RÉPARATION DE LA FAUTE DES EXPLORATEURS

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Rav Eliézer Melamed

Le peuple juif doit faire face, depuis ses origines et jusqu’à nos jours, à deux grands défis : l’attachement au Dieu unique, et la pleine manifestation de cet attachement en terre d’Israël. Faute du veau d’or et faute des explorateurs… ciel et terre… Quand nous relèverons ces deux défis, nous mériterons la pleine Délivrance. En cette période de l’année, où nous lisons le livre des Nombres, il convient de nous demander comment contribuer à la réparation de la faute des explorateurs.

Asymétrie

Le difficile problème que nous rencontrons est l’asymétrie entre la position de nos ennemis alentour et la nôtre. Si les musulmans étaient victorieux, à Dieu ne plaise, ils détruiraient notre pays, tueraient un très grand nombre d’Israéliens et réduiraient les autres en esclavage. Si nous vainquons, nous aspirerons à parvenir avec eux à un arrangement, afin que la paix s’établisse. Dans une telle situation, la poursuite de la guerre est assurée, puisqu’il est toujours profitable à nos ennemis de combattre : quand bien même ils perdent, nous ne les soumettons pas, nous ne mettons pas fin à leur existence politique, nous ne les expulsons pas, nous ne les contraignons pas à l’acceptation de nos positions et de nos valeurs ; et s’ils étaient vainqueurs, ils assouviraient tous leurs désirs criminels.

La seule possibilité de corriger cette asymétrie et de parvenir à une paix durable, c’est que l’État d’Israël démontre que, lorsqu’il est victorieux, il modifie le régime applicable à ceux qui l’ont combattu, modifie les frontières à son avantage et continue, autant que nécessaire, à imposer ses positions par la force des armes. Cela est vrai de la Judée-Samarie, de la bande de Gaza, du sud du Liban, et s’appliquerait, si cela s’avérait nécessaire, à l’ensemble du Liban. Cela ne se fera pas en une fois mais progressivement ; il faut cependant proclamer que c’est le but que nous poursuivrons.

Le problème

Le problème est que la majorité du peuple juif espère encore pouvoir obtenir un accord de paix avec l’ennemi. Autre problème : nombreux sont ceux qui pensent qu’il n’est pas moral que l’État d’Israël gouverne une population hostile. Ces deux causes ont pour effet que, jusqu’à ce jour, l’armée et le gouvernement n’ont pas de plan quant aux moyens de soumettre l’ennemi et de conserver les fruits de la victoire.

Mais en pratique, il n’y a pas le choix : nous ne pourrons pas atteindre la paix et la prospérité au moyen d’accords. Quant au point de vue moral : en quoi est-il moral de conclure des accords avec des ennemis criminels ? Ce n’est pas plus moral envers nous-mêmes qu’envers les nombreux Arabes qui seraient prêts à vivre en paix à nos côtés, et qui, par l’effet d’accords que nous avons conclus avec les représentants d’organisations terroristes, sont devenus les esclaves absolus de gouvernants cruels.

Tirer des enseignements de l’histoire mondiale

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont mené contre le Japon une guerre de destruction. Ils firent exploser sur son sol des bombes atomiques, et les Japonais comprirent que, s’ils continuaient le combat, leur pays serait anéanti, et des populations entières seraient exterminées. Quand ils comprirent cela, ils capitulèrent sans condition. Alors, les États-Unis exigèrent du Japon un changement de régime, lui imposèrent une constitution démocratique, et, sous contrainte militaire, le forcèrent à appliquer cette constitution. Jusqu’à ce jour, il se trouve au Japon des bases militaires américaines, afin de veiller au respect des accords de reddition. Depuis lors, ces deux pays sont en bons termes. Bien plus, depuis lors, le Japon jouit de la prospérité économique et sociale, et est devenu l’un des États les plus développés au monde. C’est ainsi que l’on peut changer du tout au tout des positions idéologiques et morales, et parvenir à une paix stable pendant des générations, paix qui contribue à la prospérité des deux parties.

Il y a d’autres exemples de peuples qui soumirent les vaincus, mais qui se contentèrent de les empêcher de se renforcer. Ainsi de l’Union Soviétique à l’égard des pays d’Europe de l’est qui se soumirent à son influence. Cette méthode s’avéra moins efficace, car elle ne donnait pas d’horizons aux vaincus. Elle garantissait certes la paix, mais non la prospérité, ni la liberté. De ce fait, l’Union Soviétique fut, tout au long de son existence, obligée d’exercer une contrainte continue pour garantir son influence ; et lorsqu’elle se désintégra, les vieilles rancunes réapparurent.

Il est possible de vaincre l’ennemi

Quand la grande majorité de l’opinion juive comprendra qu’il nous faut conquérir tous les territoires où l’ennemi s’est implanté, et les gouverner pour toujours, nous verrons que la victoire est possible, et même plus facile que de gérer un conflit non résolu. Il apparaîtra alors que le retour à la vision de la Délivrance et au peuplement du pays est également la voie la meilleure pour parvenir à la sécurité et à la paix.

Dans un premier temps, il faut conquérir la bande de Gaza et y faire régner un pouvoir militaire complet. Les territoires qui ne sont pas peuplés densément doivent être annexés et placés sous une pleine souveraineté israélienne. Dans le même temps, il faut gouverner entièrement les territoires densément peuplés, afin d’anéantir toute reste d’influence du pouvoir précédent, et réformer fondamentalement les programmes scolaires, interdire toute provocation à la haine religieuse et favoriser le développement d’un leadership spirituel en quête de paix. Dans un second temps, on pourra remettre le pouvoir civil à des représentants de la population, qui soient fidèles à l’État d’Israël.

Cela doit être également notre politique en Judée-Samarie : imposer la souveraineté israélienne sur toutes les localités juives et sur les territoires déserts ; mettre fin à l’Autorité palestinienne, qui, dans le but de détruire ultérieurement l’État d’Israël, dresse le monde entier contre nous et nourrit le terrorisme, économiquement et idéologiquement ; à la place, imposer un pouvoir militaire qui, au début, administrera également la vie civile, afin de changer les programmes scolaires et d’expulser les fomenteurs de troubles. Par la suite, il nous faudra trouver dans chaque région des personnalités convenables, prêtes à se conformer à nos positions et à nos valeurs, et les assister, elles, au lieu d’assister des organisations ennemies comme l’OLP ou le Hamas. Pendant les dernières décennies, l’État d’Israël a versé à l’OLP et au Hamas des dizaines de milliards, leur a conféré un statut international et a mobilisé d’autres pays afin de les aider. Au lieu de cela, il faut soutenir des acteurs ayant une attitude positive, prêts à jouir d’une autonomie civile sous notre gouvernement.

Ce n’est qu’au stade de la soumission initiale et de la consolidation de nos positions que des forces militaires importantes devront tenir le territoire. Par la suite, de moindres forces suffiront à garantir l’autorité de l’État, pourvu que ces forces soient soutenues par une décision ferme du gouvernement : désormais, l’État d’Israël contrôle tous les territoires d’Erets Israël.

Le point de vue moral

Du point de vue moral lui-même, cela sera bien préférable à ce qui a lieu aujourd’hui. On peut, pour partie, citer l’exemple de la population arabe israélienne. Tant du point de vue économique qu’à l’égard des droits de l’homme, leur situation est bien meilleure que celle des Arabes en terre d’islam. Les problèmes qu’ils posent proviennent majoritairement du fait que, malheureusement, nous n’avons pas exigé d’eux d’être des citoyens fidèles, ni n’avons conditionné la pleine jouissance des droits civiques à la pleine exécution de devoirs, comme on l’exige, par exemple, de tous les Juifs, dans tous les pays au monde. En conséquence, on trouve, parmi les Arabes israéliens, des fauteurs de troubles, qui profitent de notre attitude humaniste, l’interprètent comme de la faiblesse, et parviennent à entraîner un nombre non négligeable d’Arabes à la révolte contre nous. La faiblesse de notre position à leur égard est mauvaise pour eux-mêmes. La criminalité endémique dans la communauté arabe est la conséquence d’une citoyenneté déloyale. Au lieu d’être reconnaissants envers l’État d’Israël, ces fauteurs de désordres préfèrent se conduire comme leurs frères des États voisins, qui, à partir d’une interprétation extrémiste de notions religieuses, dirigent leur vie familiale et sociale avec une violence épouvantable, et brident les forces positives, les empêchant de se développer par l’étude, l’initiative économique et une saine sociabilité.

La mission éducative

Hélas, la société israélienne n’est pas encore mûre pour mettre en œuvre le programme que nous décrivons. Il nous faut tirer la leçon de l’expérience amère de plusieurs décennies, et encourager les groupes et les leaders qui défendent ces positions, jusqu’à ce que celles-ci deviennent, avec l’aide de Dieu, celles de la majorité, et que nous puissions parvenir à une paix durable.

C’est là une étape au sein du processus de Délivrance, au cours duquel nous devons nous libérer d’une mentalité de minorité persécutée en exil, pour adopter la conscience d’une majorité aspirant à ordonnancer sa vie souveraine de la meilleure façon, tant à l’égard de la stabilité politique que moralement.

Il nous faut nous libérer de la mentalité qu’exprime le verset : « Nous étions à nos propres yeux semblables à des sauterelles, et ainsi étions-nous à leurs yeux » (Nb 13, 33), pour adopter celle d’un peuple souverain, qui vient libérer sa terre et y exercer sa souveraineté. Un peuple qui propose à l’ennemi trois possibilités : que ceux qui le souhaitent fassent la paix et reconnaissent pleinement la souveraineté israélienne, avec toutes ses valeurs et ses lois. Que ceux qui veulent se battre sachent que nous leur mèneront une guerre totale. Et que ceux qui préfèrent émigrer quittent le pays. On ne saurait accepter une quatrième solution, qui permettrait de rester dans le pays en tant qu’ennemis, « comme des épines dans nos yeux et des aiguillons à nos flancs » (Nb 33, 55 ; Talmud de Jérusalem, Chevi’it 6, 1).

Pour que l’État d’Israël puisse mener la politique qui convient, il faut convaincre une grande majorité de l’opinion publique. Dans l’intervalle, nous devons continuer de lutter à l’avant-garde pour la défense de notre peuple et de notre pays, et nous dévouer davantage au travail éducatif et communautaire. Le débat entre la droite et la gauche est tragique, chaque côté estimant que la voie concurrente serait désastreuse. Or nous devons continuer de mener ensemble notre guerre contre l’ennemi. C’est pourquoi les explications d’ordre moral ou éducatif doivent s’exprimer avec le souci d’honorer les tenants d’opinions opposées. Cela étant dit, il faut se convaincre que la logique et la vérité auront finalement l’avantage, et que le peuple juif pourra progresser vers l’étape prochaine : souveraineté et stabilité sur notre terre.

Parmi les explorateurs aussi, seuls Josué et Caleb choisirent la voie juste, mais à cause de la position majoritaire, la délivrance fut retardée. Cependant, au terme de quarante années, Israël marcha à la suite de Josué et de Caleb, conquit le pays et en hérita.

Nos soldats, héroïques et saints        

Il nous faut puiser des forces dans l’héroïsme de nos soldats. Plongés dans une situation complexe, enserrés par de dures restrictions, ils continuent à combattre l’ennemi et à vaincre. Dans les rues de Tel Aviv, hélas, les voix de la division se font de nouveau entendre. Mais au sein de l’armée, parmi les soldats – réguliers et réservistes – se révèlent suprêmement l’unité d’Israël et la responsabilité mutuelle. De tous les récits fascinants qui nous parviennent et sont autant d’illustrations de la vertu d’abnégation, nous pouvons comprendre que, dans les camps de nos soldats, réside la Présence divine, comme il est dit : « Car l’Éternel ton Dieu marche parmi ton camp, pour te sauver et placer tes ennemis en ton pouvoir » (Dt 23, 15), verset qui se poursuit par ce qui est à la fois une louange et un impératif : « et ton camp sera saint ». Puisque l’on fait don de sa personne pour la défense du peuple de Dieu, le camp dont il s’agit ne peut qu’être saint.

Efforçons-nous de sanctifier autant que possible le camp d’Israël, de le mettre à l’abri de toute atteinte morale – esprit querelleur et médisance, grossièreté et moquerie. Puis prions pour tous nos soldats, afin qu’ils rentrent chez eux sains et saufs, physiquement et mentalement ; qu’ils méritent de fonder, dans la joie et l’amour, de magnifiques familles en Israël ; et que ceux qui ont déjà fondé une famille puissent la faire vivre dans la joie, le bonheur, et soient comblés de satisfaction, au long des jours et des années.

Traduction : Jean-David Hamou