Note du traducteur : cet article a été rédigé avant la signature du cessez-le-feu. Nous avons choisi de le publier tel quel, dans la mesure où sa réflexion conserve toute son actualité.
La vérité morale
Question : de très nombreuses personnes, en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que les gouvernements qui les représentent, critiquent virulemment l’État d’Israël au sujet de sa guerre contre le Hamas. Selon eux, Tsahal tue trop de civils qui n’ont pas partie liée dans cette guerre, ce en violation du droit international. Cette critique vous semble-t-elle justifiée ?
Réponse : il convient de dire, en premier lieu, que le droit international oblige en principe l’État d’Israël. En effet, l’une des sept lois noachides est précisément l’institution de tribunaux par les nations ; et nous avons pour principe qu’il n’est point de mitsva, parmi celles auxquelles les nations du monde sont assujetties, dont Israël soit dispensé. Toutefois, ces lois d’application universelle sont celles qui sont admises par toute l’humanité, dans l’environnement culturel qui est le nôtre – par exemple l’interdit de porter volontairement atteinte, pendant une guerre, à des citoyens paisibles. En sont exclus les domaines qui font l’objet de controverses entre juristes de droite et de gauche.
Cependant, le droit international autorise les États à faire la guerre afin de se protéger et de soumettre l’ennemi qui se dresse contre eux. Si l’ennemi utilise sa population civile comme bouclier humain, et des jardins d’enfants ou des hôpitaux comme bases militaires, cela ne lui donne pas droit à une protection spéciale : c’est à lui que revient la responsabilité des dommages causés aux citoyens qui se trouvent à proximité des frappes. Certes, chaque fois que c’est possible, il faut laisser aux civils le temps d’évacuer les lieux. Si la chose est dangereuse, il existe des directives, formulées par des juristes de divers pays, sur la manière d’éliminer l’ennemi en tentant de limiter les pertes civiles. Mais il est certain que l’effort mis en œuvre pour ne pas atteindre les civils n’exclut pas la volonté de neutraliser tous les combattants ennemis, jusqu’au dernier, ou d’obtenir leur reddition totale.
Dans le cas de l’ennemi arabe, nombre de civils sont pleinement associés à la guerre qui nous est faite. Cela s’est vérifié lors des massacres qui ont déclenché la guerre : des milliers de civils ont participé avec joie aux meurtres, aux viols, aux mauvais traitements infligés aux vivants et aux morts, et il ne s’est pas trouvé un seul citoyen, homme de religion ni médecin, pour élever la voix contre ces atrocités. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la population accepte souvent elle-même de servir de bouclier à ses combattants, et que nombre de civils refusent d’évacuer une zone de combat dans le temps qui lui est imparti pour cela. En de tels cas, il n’existe pas de raison morale d’épargner ces citoyens associés aux djihadistes – et telle est bien la règle de droit international.
Antisémitisme
Question : pourquoi donc un si grand nombre d’Occidentaux nous accusent-ils de « crimes de guerre » ou de « génocide » ? N’y a-t-il aucune dimension morale dans leurs assertions ?
Réponse : malheureusement, l’Occident est imprégné d’antisémitisme depuis des siècles. Quand même on imputait aux Juifs les crimes les plus extravagants – tels que le meurtre rituel d’enfants pour pétrir des pains azymes avec leur sang –, on présentait ces accusations sous les traits d’une « revendication morale ». Qui pourrait accepter le meurtre d’enfants au nom d’un culte ? Or tout cela n’était qu’indigne diffamation, et si certains y croyaient, ce n’était qu’en raison de leur propre antisémitisme.
Même aux temps modernes, quand nombre d’Occidentaux affirmèrent que les Juifs étaient une race parasite et accapareuse, qui détruit la culture et l’humanité, on se drapait dans une posture « morale ». Les nazis – que leur nom soit effacé – poussèrent cette entreprise jusqu’à la solution finale ; mais nombreux étaient ceux qui, en Europe, étaient au moins d’accord avec l’accusation en elle-même, de sorte qu’ils collaborèrent avec les Nazis, de manière manifeste ou indirecte. Or cet « argument moral » n’était rien d’autre qu’une abominable calomnie : non seulement les Juifs ne représentaient aucun danger pour l’humanité, mais au contraire, grâce à leur contribution, l’Occident put être en pointe dans les domaines scientifiques, économiques et culturels.
De nos jours encore, quand on nous accuse de génocide ou de crimes de guerre, il ne s’agit que d’une criante accusation antijuive. De nombreuses autres guerres ont eu lieu dans les dernières décennies, en Iraq, en Syrie, au Darfour, au Soudan, au Yémen, en Birmanie, en Afghanistan, en Éthiopie. Dans chacune de ces guerres, des centaines de milliers de civils furent tués, et le pourcentage de civils parmi les morts était bien plus élevé que celui des combattants. De plus, dans ces différents conflits, les belligérants n’ont pas toujours utilisé la population civile comme bouclier humain, comme le fait le Hamas à Gaza. Malgré cela, il est rare que les opérations aient été qualifiés de crimes de guerre ou de génocide. C’est l’État d’Israël que l’on dénigre, malgré tous les efforts, du reste exagérés, qu’il accomplit pour préserver les civils.
Le Premier ministre britannique serait-il, lui aussi, antisémite ?
Question : va-t-on prétendre que le Premier ministre britannique Starmer, dont la femme est juive, ou que le président français Macron, sont antisémites ? Ne condamnent-ils pas la haine envers toute personne et tout peuple ? Ils seraient sans doute choqués d’être accusés d’antisémitisme.
Réponse : il n’y a pourtant pas d’autre explication que l’antisémitisme aux graves incriminations que ces personnalités lancent contre Israël. Il est vraisemblable qu’eux-mêmes n’en ont pas conscience. Mais on ne saurait expliquer autrement le « deux poids, deux mesures » qu’ils nous appliquent. S’ils écoutaient impartialement les positions de nos ennemis arabes, ils comprendraient aisément que leur propos est de détruire l’État d’Israël, et que ce qu’Israël fait pour sa défense est à la fois insuffisant et trop tardif, en regard de ce que la situation requiert. Or cette insuffisance et ce retard sont précisément l’effet de leurs incessantes pressions.
S’ils réfléchissaient avec sincérité à la manière dont un autre pays réagirait face à un ennemi ayant fait de sa destruction son but essentiel, et ayant perpétré un massacre aussi atroce avec un large soutien populaire, ils comprendraient qu’Israël fait moins que le strict minimum nécessaire à sa défense.
Qu’ils examinent seulement avec quelle facilité ils ont accueilli les calomnies des pseudo-journalistes de Gaza au sujet d’une prétendue famine – alors même que ces prétendus journalistes eussent été exécutés par le Hamas s’ils n’avaient relayé ce mensonge – ; tandis qu’ailleurs, il aura fallu des centaines de milliers de morts véritables (au Yémen, au Darfour, en Somalie et en Éthiopie) pour que l’on y reconnût une situation de famine.
Condamnations de l’ONU
Selon les données du site Arutz 7 (à la date du 23 kislev 5784 / 6 décembre 2023), depuis 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a condamné Israël cent quarante-et-une fois ; en seconde position, vient la Russie, condamnée vingt-trois fois ; puis la Syrie, dix fois, la Corée du Nord, huit fois, l’Iran et la Birmanie, sept fois. La Commission des Droits de l’homme a blâmé Israël cent quatre fois, quand la Syrie – où ont été tuées au moins cinq cent mille personnes, et où près de dix millions de personnes ont été déportées – n’a reçu que quatre-trois blâmes, la Corée du Nord seize, l’Iran quatorze, le Vénézuéla et le Soudan trois chacun.
L’Organisation Mondiale de la Santé n’a blâmé aucun État au monde, à l’exception d’Israël, ce qu’elle a fait neuf fois.
À ce qu’il semble, l’antisémitisme est tellement enraciné dans ces milieux qu’ils ne prêtent pas même attention à l’injustice criante qui entache leurs décisions et leurs positions.
Juifs qui réprouvent Israël
Question : les Juifs qui condamnent l’État d’Israël, et prétendent qu’il commet des crimes de guerre ou un génocide, seraient-ils eux-mêmes antisémites ?
Réponse : en effet, il est difficile de comprendre ce phénomène exclusif, qui n’existe guère dans d’autres peuples. Ce phénomène bien connu peut être appelé auto-antisémitisme ou haine de soi (jüdischer Selbsthaß, selon le terme forgé par Theodor Lessing). Il semble s’agir de la conséquence d’un exil particulièrement long, pendant lequel notre peuple était méprisé et dénigré, quoiqu’il continuât d’aspirer à la délivrance et à la réparation. En pratique, ce phénomène résulte de deux facteurs. Le premier est l’intériorisation de la rhétorique antisémite – intériorisation reposant sur la croyance que la position des plus nombreux et des plus forts est sans doute la plus juste. Le second est une forme de purisme, par quoi l’on estime qu’il faut exiger des Juifs d’être mille fois plus immaculés que tout autre peuple. On peut avancer qu’il s’agit là d’un renversement de représentation, de peuple d’élection à une exigence surhumaine de pure perfection sans laquelle le peuple juif n’aurait pas droit à l’existence nationale.
Malheureusement, nos propres institutions sont, elles aussi, affectées par ces conceptions pernicieuses. Il en résulte que l’establishment judiciaire, sécuritaire et universitaire sert, dans une certaine mesure, de rempart protecteur à l’ennemi, empêchant Israël d’exprimer clairement sa position morale et de vaincre ceux qui conspirent à lui nuire.
Ascensions et décadences
Par le fait même de son rôle particulier – être source de bénédiction pour le monde –, il est impossible d’être indifférent au peuple juif. Si l’on ne parvient pas à percevoir sa contribution à l’humanité, on le hait pour sa prétention. Les sages disent ainsi : « Cette nation est comparée à la poussière, d’un côté, aux étoiles, de l’autre. Quand [les enfants d’Israël] s’abaissent, ils s’abaissent jusqu’à la poussière ; et quand ils s’élèvent, ils s’élèvent jusqu’aux étoiles. » (Méguila 16a ; cf. Gn 22, 17)
Cela vaut aussi pour Israël à l’égard de soi-même : la naturelle persévérance dans l’être, suffisante pour tous les peuples, ne suffit point pour Israël. La conscience de sa mission pousse ce peuple à vouloir changer le monde. Dans le meilleur des cas, on prie pour un authentique amendement universel, et l’on fait tout ce qui est en son pouvoir pour le réaliser. Dans le cas négatif, face aux crises et à la frustration de n’avoir pas immédiatement réparé le monde – de ne pas avoir fait « la paix maintenant » – se développe une indisposition intime, une haine de soi. On voit alors apparaître des Juifs antisémites, qui nuisent au monde, à Israël et à eux-mêmes.
Châtiment de la haine des Juifs
En fin de compte, ceux qui pèchent par haine d’Israël sont châtiés, comme il est dit : « Qui te maudit sera maudit, qui te bénit sera béni. » (Gn 27, 29) Le problème est que les pervers ne voient pas de lien entre leur faute et leur châtiment. Pourtant, quiconque regarde la réalité sans partialité antijuive, voit de ses propres yeux que les pays européens ayant péché par antisémitisme sont frappés et déclinent. Et parce qu’ils nous haïssent et aiment nos ennemis, leur châtiment est de se voir dévastés par nos ennemis mêmes. Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe était devenue un champ de ruines ; elle perdit sa position dominante. Aujourd’hui encore, en soutenant les ennemis d’Israël, l’Europe leur ouvre ses portes, tandis qu’eux la détruisent par la corruption, la délinquance et la criminalité.
Réparation
Certes, nombreux sont ceux qui nous haïssent, mais pour la première fois depuis des siècles, grâce au retour à Sion, à la fondation de l’État d’Israël et aux prodigieux succès de celui-ci, le peuple juif compte, à travers le monde, des soutiens par centaines de millions, parmi les meilleurs et les plus influents des hommes ; et leur nombre ne fait que croître. Jadis, les justes des nations avaient pitié de nous ; aujourd’hui, ils nous respectent et fondent en nous de nombreux espoirs : que nous assumions notre destin, combattions le mal, et pavions la voie menant à l’accroissement du bien et de la bénédiction dans le monde.
L’antisémitisme est la conséquence de l’exil ; aussi, à long terme, plus nous nous renforcerons et vaincrons nos ennemis sans nous en remettre aux miracles, plus nous serons respectés – et moins nous serons exposés à l’antisémitisme. Plus nous renforcerons notre identité à la lumière de la Torah et des mitsvot, plus nous mériterons d’être honorés par tous les peuples. Ceux-ci comprendront que la terre d’Israël est celle que l’Éternel donna à nos ancêtres et à nous-mêmes, et que les Arabes qui l’ont envahie au fil des siècles n’ont aucun droit national sur elle.
En nous renforçant dans la foi, la Torah et les mitsvot, nous progresserons vers l’établissement d’une pleine souveraineté sur l’ensemble de la terre d’Israël, en proposant deux options aux Arabes qui y vivent : 1) y prendre le statut de guérim tochavim, résidents loyaux soutenant clairement l’État juif et observant fidèlement toutes les lois qui leur sont applicables (les sept mitsvot noachides) ; cela leur vaudrait de jouir des droits attachés à une pleine citoyenneté ; 2) quitter le pays. En attendant, il nous revient de fortifier nos liens avec tous ceux qui, parmi les peuples, nous aiment, et de tenter ensemble de promouvoir les valeurs de justice et l’éthique dont la Bible est l’expression.
Traduction : Jean-David Hamou



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