Rav Eliézer Melamed
Nos sages enseignent que le monde, de sa Création jusqu’au 6 sivan de l’an 2448 (date de la Révélation sinaïtique), demeurait en suspens : Israël accepterait-il la Torah ce jour-là ? Si tel devait être le cas, le monde perdurerait ; sinon, il retournerait au tohou va-vohou, le chaos primordial (Chabbat 88a). Pourquoi cela ? parce que, sans la Torah, le monde ne pouvait accomplir sa vocation. Il serait resté assujetti aux chaînes des diverses pulsions, incapable d’initier le processus d’amendement moral conduisant à sa rédemption.
Nous illustrerons l’influence considérable qu’exerce la Torah, en prenant pour exemples trois domaines :
1) Le mariage. Sous la conduite de la Torah, le mariage s’est imposé comme modèle et comme valeur universels. Avant la Révélation, les unions incestueuses étaient courantes. C’est pourquoi la halakha dut légiférer : lorsqu’un frère et une sœur, un père et sa fille, ou encore une mère et son fils étaient mariés, ils devaient se séparer pour être admis à se convertir au judaïsme.
2) L’abolition de l’esclavage. L’un des principes que la Torah nous enseigne est que le tiqoun (amendement, parachèvement du monde) ne saurait advenir qu’au terme d’un processus profond et graduel. Tant que la pensée dominante, fondée sur les usages du temps, considérait l’esclavage comme nécessaire à la survie de nombreux êtres humains – car, sans lui, les pauvres seraient morts de faim, et les peuples vaincus auraient été exterminés –, la Torah ne prescrivait pas son abolition immédiate. Elle exigeait cependant de traiter l’esclave avec respect, comme il sied à un être doté d’une âme, de préserver son droit à vivre et à accomplir les commandements divins. Plus encore : la Torah elle-même fut donnée à un peuple d’anciens esclaves, que la parole de Dieu avait libérés. Ainsi, progressivement, le monde évolua vers l’abolition de l’esclavage.
3) La Justice. À cette époque, les monarques faisaient la loi et la manipulaient à leur guise, tandis que les juges favorisaient les puissants et les riches. Sous l’influence de la Torah, s’imposa peu à peu la règle obligeant les magistrats à appliquer une même norme à tous, et leur interdisant de léser les faibles ou les pauvres. Le monarque lui-même dut se soumettre à la loi. C’est bien pourquoi le roi d’Israël doit écrire un rouleau de la Torah, qui l’accompagne tous les jours de sa vie, afin qu’il ne s’écarte jamais de ses directives.
La crise des temps modernes
Après que la Torah eut exercé sur le monde une profonde influence, par le biais des religions qui en adoptèrent certains des principes (le christianisme et l’islam), ainsi qu’au travers des divers penseurs qui, à sa lumière, fondèrent les sciences politiques et théorisèrent l’éthique, de nombreux Juifs estimèrent qu’Israël avait rempli sa mission. Il ne semblait plus nécessaire de s’attacher à son identité juive, ni de préserver la conscience de l’exil. On pouvait désormais, pensait-on, s’agréger aux nations éclairées et, en leur sein, continuer d’œuvrer au parachèvement du monde, à la lumière de la morale toranique et prophétique.
C’est ainsi que débuta le grave et dangereux processus de sécularisation et d’assimilation. Alors vint la Révolution communiste, puis la Choah. Dans les pays démocratiques eux-mêmes, on vit se décomposer dangereusement la famille, les identités et les valeurs ; au point qu’il devint clair, pour beaucoup, que le monde était encore loin de sa rédemption. Et cependant, faute d’une compréhension véritable de la Torah dans toute sa sublimité, l’assimilation se poursuit.
Revenir aux fondements
La guerre actuelle elle-même témoigne de cette crise profonde et nous oblige à revenir aux fondements. Pendant des années, l’État d’Israël a tenté d’expliquer au monde qu’il était prêt à des concessions envers ses voisins. Pourtant, ces derniers nous ont attaqués, frappant les civils avec cruauté, en violation de toutes les conventions internationales. Malgré cela, nombreux sont ceux qui, dans le monde, condamnent la guerre que nous menons pour anéantir l’ennemi.
La raison de cette réprobation est simple : presque aucun représentant officiel de notre pays n’exprime nettement notre lien indéfectible avec l’ensemble de la terre d’Israël – lien qui se fonde sur la parole divine, qui octroya cette terre à nos ancêtres et à nous-mêmes. À l’exception de quelques ambassadeurs, tels que Dror Eydar ou Tzipi Hotovely, nos diplomates ne citent ni les versets de la Torah, ni les paroles des prophètes qui, il y a des milliers d’années, avaient annoncé le retour d’Israël sur sa terre, pour la faire prospérer et apporter au monde la bénédiction. La Bible est le livre le plus important et le plus célèbre au monde ; mais au lieu de s’y référer et de souligner par quels grands miracles ses prophéties se réalisent sous nos yeux, nos représentants ne parlent que de sécurité et de concessions possibles, sans jamais répondre aux prétentions arabes selon lesquelles nous aurions conquis une terre étrangère en spoliant ses habitants. Animés de pieuses illusions, ils présentent le conflit israélo-arabe comme un simple différend de voisinage, que l’on pourrait résoudre par quelque compromis. Ils omettent d’expliquer au monde que les Arabo-musulmans qui nous combattent s’attaquent spécifiquement au peuple juif, aux valeurs que porte la Torah d’Israël et, dans une large mesure, à l’ensemble du monde non musulman.
Chavou‘ot
Puissions-nous, en cette fête prochaine de Chavou‘ot, renouveler notre lien avec la sainte Torah. Que chacun, selon ses capacités, ajoute à la fixité de son étude toranique ; et qu’ainsi nous comprenions notre vocation nationale : peupler la terre d’Israël, y pratiquer la bienfaisance et la justice, vaincre nos ennemis et répandre la bénédiction universelle.
LE SECOND JOUR DE FÊTE EN DIASPORA
Les sages nous ont prescrit la règle que voici : en diaspora, chaque fête chômée (Yom tov) dure deux jours au lieu d’un. Cette règle s’explique par le fait que la fixation du temps des fêtes repose sur la proclamation de la nouvelle lune, à l’orée de chaque mois, par le beit-din. Or les communautés de diaspora, en raison de leur éloignement, ne pouvaient, à l’époque talmudique, savoir si le mois avait été consacré le 30 ou le 31. En raison du doute, les sages leur ont donc ordonné d’observer deux jours de fête. Mais cette règle revêt aussi une signification spirituelle : la sainteté d’Israël et des fêtes se révèle essentiellement en terre d’Israël. En diaspora, pour percevoir la sainteté de la fête, il faut en observer le rituel pendant deux jours.
Cela peut se comparer à une lampe torche : lorsqu’elle éclaire un endroit proche, sa lumière est forte, et focalisée sur un petit périmètre ; lorsqu’elle éclaire un endroit éloigné, au contraire, sa lumière est faible et se disperse sur une large zone. Ainsi de la lumière des fêtes : elle se révèle en terre d’Israël en un jour unique et concentré, tandis qu’elle est plus faible en diaspora, et s’étend sur deux jours (Dérekh Mitsvotékha 114, 1).
Le second jour de fête pour les Juifs de diaspora en visite en Israël
Les décisionnaires sont partagés quant à la règle applicable à un Juif de diaspora qui, présentement, séjournerait en Israël. Certains estiment que, durant son séjour, il a le statut d’habitant d’Israël, de sorte qu’il doit observer un seul jour de fête (‘Hakham Tsvi 167 ; Choul‘han ‘Aroukh Harav 496, 11). Mais selon la majorité des décisionnaires, puisque la résidence principale de cette personne est en dehors d’Israël, elle conserve ce statut diasporique pendant sa visite même ; il lui faut donc observer deux jours de fête. Et tel est l’usage (Birké Yossef 496, 7 ; Michna Beroura 496, 13).
Fondamentalement, on aurait pu se montrer indulgent en la manière, puisque le second jour de fête est une norme rabbinique – or, en cas de doute portant sur une telle norme, nous sommes en principe indulgents (safeq derabbanan leqoula). Mais la coutume s’est fixée dans le sens de la rigueur, conformément au principe selon lequel on suit la majorité des décisionnaires (rov haposqim). Et puisque tel est l’usage, les Juifs de diaspora qui se trouvent en Erets Israël pendant le second jour de fête doivent même réciter les bénédictions propres au Yom tov. Toutefois, lorsque le visiteur entretient avec Erets Israël un lien profond, et qu’il y a donc une bonne chance pour qu’il choisisse de faire son alya, les arguments en faveur de la position indulgente paraissent décisifs ; de sorte que ce visiteur adoptera les usages d’Erets Israël quand il y séjournera.
Personnes entretenant un lien particulier avec la terre d’Israël, et dispensées à ce titre du second jour
- a) Celui qui séjourne en Israël pour une année d’études : sa longue présence dans le pays lui confère le statut de résident tout au long de son séjour ; de même, à chaque visite ultérieure, il ne célébrera qu’un jour de fête.
- b) Celui qui séjourne régulièrement en Israël, de sorte que la durée cumulée de ses séjours atteint une année : il est déjà, dans une certaine mesure, résident du pays ; désormais, pendant les fêtes qu’il célébrera en Israël, il n’observera qu’un jour.
- c) Celui qui séjourne en Israël, et dont l’intention est de faire son alya dès que cela lui sera possible : même si son séjour est bref, et que plusieurs années peuvent encore s’écouler avant qu’il ne réalise ce projet, il n’observera qu’un jour de fête pendant son séjour en Israël.
- d) Celui qui séjourne en Israël, et dont les enfants ou les parents ont fait leur alya : cette parenté crée un lien entre le pays et lui, lien suffisant pour qu’il célèbre un seul jour de fête pendant le temps de son séjour.
- e) Celui qui a acheté un appartement en Israël pour y habiter pendant ses visites : même si celles-ci n’atteignent pas encore le total d’une année, cette acquisition fait de lui un résident lorsqu’il est présent dans le pays.
- f) Celui qui, après avoir vécu en Israël, s’est établi à l’étranger : même s’il habite à l’étranger depuis des dizaines d’années, il se conduira comme un résident d’Israël pendant le temps qu’il y séjournera, dès lors qu’il y a vécu pendant une période significative de sa vie, et qu’il existe une chance quelconque qu’il revienne s’y établir.
En revanche, lorsqu’une personne répondant à l’un de ces critères se trouve présentement en diaspora, elle doit être pleinement considérée comme résidente de diaspora ; elle a donc l’obligation d’y célébrer le second jour de fête (ces règles sont expliquées en détail en Pniné Halakha – Mo‘adim, Fêtes et Solennités juives II 9, 8).
CHAVOU‘OT : SI L’ON RESTE ÉVEILLÉ TOUTE LA NUIT
Ablution des mains
La nuit de Chavou‘ot, nombreux sont ceux qui ont coutume de veiller afin d’étudier la Torah. Si l’on reste éveillé toute la nuit, on doit se laver les mains avant l’office du matin, Cha‘harit. Selon la coutume séfarade, on ne récitera pas la bénédiction relative à cette ablution. Selon la coutume ashkénaze, il est recommandé d’aller aux toilettes avant la prière ; ce faisant, on touchera quelque partie du corps ordinairement couverte, partie qui aura quelque peu transpiré depuis la précédente douche, ou le précédent bain. De cette façon, on contractera l’obligation de se laver rituellement les mains, et l’on prononcera donc la bénédiction de l’ablution.
Bénédictions de la Torah
La coutume la plus communément répandue suit l’opinion de Rabbénou Tam : celui-là même qui n’a pas du tout dormi pendant la journée précédente doit réciter les bénédictions de la Torah, puisqu’il s’apprête à la prière matinale d’un jour nouveau. Si l’on veut se rendre quitte d’après toutes les opinions, on écoutera ces bénédictions récitées par un camarade, en formant l’intention de s’en acquitter ainsi.
Bénédictions matinales
Même si l’on est resté éveillé toute la nuit, on dira les bénédictions du matin (birkot ha-cha‘har). Celles-ci ont, en effet, été instituées afin de louer l’Éternel pour l’ensemble des bienfaits qu’Il accorde au monde, et non seulement pour les bienfaits personnels dont jouit celui qui les prononce.
Certains auteurs disent, cependant, que celui qui n’a pas dormi ne pourra pas réciter la bénédiction Eloqaï néchama (« Mon Dieu, l’âme que Tu as placée en moi est pure… »), ni Hama‘avir cheina (« Béni sois-Tu… qui délivres nos yeux du sommeil… »). Aussi, a priori, s’il se trouve là une personne qui a dormi et qui s’apprête à réciter ces bénédictions, il est préférable de les écouter de sa bouche, en formant l’intention de s’en acquitter par son biais. Sinon, on les récitera soi-même. Mais celui qui est de rite ashkénaze, et qui sait que son père avait coutume de ne point les réciter, ne les récitera pas non plus.
Temps des bénédictions
Selon la position traditionnelle de la halakha, on récite les bénédictions matinales et celles de la Torah immédiatement avant l’office du matin. Ceux qui suivent les enseignements de la Cabale ont l’usage de réciter les bénédictions matinales après le milieu de la nuit (‘hatsot), et les bénédictions de la Torah après l’apparition de l’aube (‘amoud hacha‘har).
Manger et boire pendant la nuit, et avant l’office matinal
Pendant la nuit, il est permis de manger et de boire sans restriction.
À partir de la demi-heure qui précède l’apparition de l’aube, il devient interdit de faire une sé‘ouda (repas proprement dit) de crainte que celle-ci ne se prolonge. À ce titre, il est également interdit de manger un volume de pain ou de pâtisserie supérieur à un kabeitsa (volume d’un œuf). En revanche, il est permis de prendre, sans limitation, une collation informelle de légumes, de fruits, ou de plats mézonot (pâtes, riz, etc.).
À partir de l’aube, il devient interdit de manger quoi que ce soit ; de même, il est interdit de prendre une boisson dotée d’un goût. Même si l’on a commencé à manger ou à boire avant cela, il faut s’interrompre. Seule l’eau est permise, dès lors que l’aube s’est levée. (Si l’on a besoin de café pour être concentré pendant la prière, on sera autorisé à en prendre avant l’office, mais sans sucre.) Cette année, à Chavou‘ot, l’aube paraît à 4h06 dans notre région.
Traduction : Jean-David Hamou



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