Question : que pensez-vous de l’enrôlement des jeunes ‘Harédim (orthodoxes non sionistes) au sein de l’armée, en Israël ? Comment sortir de cette crise ? Et quelle devrait être notre relation avec la communauté ‘harédite ?
Réponse : la situation, en cette matière, est tragique, et renferme tous les ingrédients de nos graves échecs – relativement à notre conception de la Torah, à l’unité d’Israël, à notre rapport aux forces arabes ennemies, aux institutions judiciaires et sécuritaires.
1) Nous sommes en présence d’une grave erreur en matière halakhique. Servir au sein de l’Armée de Défense d’Israël est une mitsva dont l’importance équivaut à l’ensemble des autres mitsvot, ce à deux égards. Premièrement, sauver la vie d’un seul Israélite a priorité sur toutes les mitsvot de la Torah ; cette priorité existe, à plus forte raison, lorsqu’il s’agit de secourir le peuple d’Israël dans son ensemble. Deuxièmement, le peuplement juif de la terre d’Israël est, lui aussi, une mitsva considérée comme équivalente à la somme de toutes les autres ; et la Torah ordonne même la mise en danger de personnes afin de l’accomplir. En de semblables cas, les sages enseignent : « L’erreur, en matière d’enseignement, est considérée comme intentionnelle. » (Maximes des Pères 4, 13)
2) La controverse interne, portant sur la relation à nos ennemis arabes, est telle qu’elle ne permet nulle solution. Selon les responsables de la droite, si la gauche devait parvenir au pouvoir, une catastrophe supplémentaire serait à craindre, du type des accords d’Oslo ou du démantèlement du Gouch Katif. Ils sont donc prêts à tout accorder aux représentants des ‘Harédim, pourvu qu’un tel malheur ne frappe point le peuple d’Israël. Face à cela, les personnalités de gauche, qui croient qu’il suffirait de permettre aux Arabes de créer un « État palestinien » pour obtenir la paix, sont prêtes à tout accorder aux représentants des courants ‘harédis, pourvu qu’ils soutiennent leurs propositions de retrait territorial.
3) Malgré cela, on aurait pu s’accorder en principe sur un cadre de bon aloi, accordant des avantages à ceux qui s’enrôlent et prévenant tout privilège pour ceux qui ne s’enrôlent pas. Mais les représentants de la gauche – autorité judiciaire comprise –, qui sont prêts à porter atteinte aux intérêts du public ‘harédi, refusent que les mêmes mesures s’appliquent à la communauté arabe, et à ceux qui, pour d’autres raisons, se soustraient au service militaire. Dès lors, il est impossible d’inscrire dans la loi des mesures incitatives efficaces à l’intention de ceux qui s’enrôlent. Dans cette situation, la question du service militaire des ‘Harédim sert essentiellement d’instrument de polémique contre le public orthodoxe et contre le gouvernement de droite, sans qu’il y ait de tentative sincère de résolution.
4) Les juges de la Cour suprême, qui se sont auto-attribué de vastes compétences – y compris celle de décider, sans la moindre limitation, de ce qui est conforme au « principe de raisonnabilité » – débattent sans cesse de la question du service militaire des ‘Harédim au nom de la lutte contre les privilèges, tout en ignorant délibérément l’exemption de faveur dont bénéficie la communauté arabe. Il est parfaitement injuste de s’en prendre au public ‘harédi au motif que nombre de ses fils ne s’enrôlent pas, tandis que, dans le même temps, on veille à ce que les citoyens arabes jouissent de tous les droits attachés à la citoyenneté israélienne, outre la discrimination positive qui leur est appliquée dans de nombreux domaines. Nous espérions la justice, et voici le désordre, comme le dit le verset : « Il attendait le droit, et voici le désordre ; la justice, et voici les clameurs. » (Is 5, 7) Dans une telle situation, l’autorité judiciaire illustre le verset de l’Ecclésiaste (3, 16) : « Au lieu de la justice, là règne le mal. » (Ec 3, 16)
5) L’état-major de Tsahal, qui réclame en principe l’enrôlement des jeunes ‘Harédim, n’est pas véritablement disposé à les accueillir tout en garantissant des conditions de service compatibles avec leur mode de vie. Aux yeux des responsables de l’état-major, comme des hautes sphères judiciaires, « l’obligation » de mixité entre soldats et soldates dans toutes les unités revêt une importance supérieure. Il est donc impossible, dans les circonstances présentes, d’inscrire dans la loi des règles de service adaptées aux publics ‘harédi et religieux. Quant aux directives mêmes de l’état-major, elles se refusent à adopter un tel principe.
Poursuivre la vérité, dans un esprit d’amour accru
Pour sortir de cette crise, nous devons continuer d’approfondir et d’expliquer la mitsva de servir à l’armée, avec la certitude que la lumière de la Torah pénétrera les cœurs et nous conduira à la techouva. Nous devons également continuer d’approfondir et d’expliquer le droit du peuple d’Israël sur sa terre, ainsi que les notions universelles de justice, qui tirent leur force de l’âme que Dieu insuffla en toute l’humanité, et dans le peuple d’Israël en particulier ; de manière que le système judiciaire redresse ses voies. Nous pouvons espérer qu’alors, les dirigeants de l’armée rempliront, eux aussi, leur mission véritable, en se concentrant sur la sécurité du pays, plutôt que sur la défense de conceptions politiques (invariablement de gauche) et de positions progressistes.
Intensifier l’amour
L’attitude à adopter envers les membres de la communauté ‘harédite doit être celle que l’on a envers des frères précieux et aimés, qui certes se trompent sur une question essentielle. Ajoutons qu’il y a tout lieu de croire que, si nous étions nés dans la communauté ‘harédite, le choix qui se serait offert à nous eût été, très probablement, circonscrit au cadre de pensée de cette société : aurions-nous regardé avec condescendance ceux qui accomplissent, avec un entier dévouement, l’immense mitsva du service militaire, ou les aurions-nous respectés ? Aussi, bien qu’en temps de guerre la colère ait naturellement tendance à s’exacerber, il convient de conserver une attitude fondée sur l’amour d’Israël, tant à l’égard de cette communauté dans son ensemble qu’envers chaque individu que l’on rencontre personnellement.
De même, il faut vivement louer ces jeunes ‘Harédim qui, sans renoncer à leur mode de vie, comprennent la grandeur de cette mitsva, et s’enrôlent dans l’armée. Puissent-ils, par le bon exemple qu’ils donnent, éveiller dans la communauté ‘harédi un mouvement de retour sur ce point ; et qu’ensemble, nous contribuions à améliorer la vie militaire et la sphère publique.
TALITH ET TSITSIT : QUESTIONS ET RÉPONSES
Question : quelle doit être la taille du petit talith (talith qatan) ? Est-il vrai que l’on ne peut en réciter la bénédiction que s’il est très grand ?
Réponse : la mitsva de tsitsit (franges rituelles) s’applique à un vêtement ayant quatre coins. Pour qu’une étoffe soit considérée comme un vêtement, elle doit avoir une taille minimale. Selon nos sages, cette taille est telle « qu’un enfant puisse s’en recouvrir la tête et la plus grande partie du corps, et qu’un adulte puisse sortir ainsi vêtu, occasionnellement » (Mena‘hot 40b). L’enfant visé est âgé d’environ neuf ans. Quand on dit que le vêtement doit couvrir sa tête et la majeure partie de son corps, cela ne comprend pas les bras et les jambes. Une étoffe ayant ces dimensions constitue un vêtement qu’un garçon de treize ans peut déjà utiliser pour s’habiller ; aussi a-t-il le statut de vêtement véritable. Dès lors, même un adulte de grande taille, s’il souhaite le porter, a l’obligation d’y fixer des tsitsit.
En pratique, de nombreux décisionnaires estiment qu’un vêtement long d’une ama et demie (c’est-à-dire d’une coudée et demie, soit environ soixante-dix centimètres) et large d’une ama (environ quarante-six centimètres) requiert des tsitsit ; et l’on en récite la bénédiction avant de le porter (Artsot Ha‘haïm, Rav Pe‘alim et d’autres auteurs). Si l’on veut apporter à sa pratique un supplément de perfection, on prendra un vêtement de deux amot sur une (quatre-vingt-douze centimètres sur quarante-six) : un talith de cette taille recouvre la majorité du corps d’un homme de grande taille.
Pour évaluer la longueur de l’ama, il n’est pas nécessaire de tenir compte du système du ‘Hazon Ich (selon qui cette mesure est notablement plus grande). En effet, en retenant la mesure d’une ama et demie, les décisionnaires se fondaient sur la mesure communément admise dans la halakha, et non sur celle, ultérieure, du ‘Hazon Ich.
Serviette, gilet pare-balles à quatre angles
Question : celui qui, lorsqu’il fait jour, s’enveloppe d’une serviette à quatre angles au sortir de la douche, doit-il fixer des tsitsit à sa serviette ?
Réponse : quoique la serviette ait quatre angles, et quoiqu’il arrive au baigneur de s’en envelopper afin de se recouvrir ou de se réchauffer, on n’y met point de tsitsit. En effet, une serviette n’est pas considérée comme un vêtement ; or seul un vêtement requiert des tsitsit. En d’autres termes, puisque la destination d’une serviette est d’essuyer, et non de couvrir le corps à la manière d’un vêtement, elle n’est pas visée par l’obligation de tsitsit, même si, occasionnellement, on s’enveloppe en elle.
Dans le même ordre d’idées, un gilet pare-balles, un tablier plombé contre les radiations, un sarrau pour se protéger des salissures pendant le travail, une cape de coiffure, sont dispensés de tsitsit, même quand ils ont quatre angles. En effet, ils sont destinés à protéger de choses ponctuelles, de sorte qu’ils ne sont pas considérés comme des vêtements – lesquels ont pour fonction de protéger du froid, de la chaleur, ou de préserver l’honneur de ceux qui les portent (cf. Béour Halakha 10, 11, init. Soudar).
Ceux qui s’enveloppent dans le drapeau du pays
Question : lors de certaines cérémonies commémoratives, ou lors de la Marche des vivants en Pologne, on voit parfois des personnes s’envelopper dans le drapeau d’Israël. Dans la mesure où le drapeau comporte quatre coins, ne transgressent-elles pas l’interdit de porter un vêtement à quatre coins dépourvu de tsitsit ? Il convient de rappeler que le drapeau d’Israël lui-même s’inspire du talith et de la couleur tékhelet, le bleu azur caractéristique des tsitsit.
Réponse : puisqu’il ne s’agit pas d’un vêtement, et que l’on s’en enveloppe pour exprimer une identification – et non en tant qu’habit, ni pour se couvrir le corps –, le drapeau n’est pas soumis à l’obligation de tsitsit.
ACHETER UN BILLET À UN PARENT QUI N’OBSERVE PAS LE CHABBAT
Question : grâce à mon travail, je bénéficie d’une carte donnant droit à d’importantes réductions, pour toutes sortes de sites et de divertissements. Un membre de ma famille proche m’a demandé de réserver, pour lui et pour les siens, des billets d’entrée pour un certain musée, afin qu’ils puissent s’y rendre en voiture et le visiter pendant Chabbat. M’est-il permis de leur acheter ces billets à prix réduit ? Cela serait-il considéré comme un cas d’aide à la commission d’une faute ? Je précise qu’en tout état de cause, ils se rendront au musée le Chabbat, même sans ma réduction.
Réponse : puisque cela implique la transgression de l’interdit de voyager en voiture le Chabbat, ainsi que d’autres interdits, acheter ces cartes serait considéré comme messayea’ lidvar ‘avéra (« aider à la commission d’une faute »). Par conséquent, il faut vous excuser auprès de votre parent, en lui expliquant que, si vous faisiez cela, vous vous trouveriez associé à une profanation du Chabbat, chose qu’il vous est impossible de faire.
En revanche, s’il s’agissait d’un billet ne portant pas de date particulière, et que votre parent ne vous ait point fait part de son intention de l’utiliser pendant Chabbat, il vous aurait été permis de le lui acheter, sans qu’il fût besoin de vérifier quel jour il comptait s’en servir.
LES CHIENS ET LES CHATS SONT-ILS MOUQTSÉ, LE CHABBAT ?
Question : à la suite de votre récent article sur les chiens guides d’aveugles, je voulais vous demander si les chiens d’agrément, que l’on élève chez soi, sont considérés comme mouqtsé le Chabbat.
Réponse : le principe est que toute chose qui n’a pas d’utilité pendant Chabbat a le statut de mouqtsé (« chose mise à part »), et qu’il est donc interdit de la déplacer le Chabbat. À ce titre, les animaux, eux aussi, sont considérés comme mouqtsé. Mais dans le cas où il faut les déplacer pour leur éviter une souffrance, les sages permettent de les tenir et de les conduire vers un autre lieu. En revanche, il ne faut pas les soulever (Choul‘han ‘Aroukh, Ora‘h ‘Haïm 308, 39-40).
Telle était également la prescription traditionnelle au sujet des chats et des chiens, puisqu’il n’était pas d’usage de les élever comme animaux d’agrément : on les possédait pour garder la maison ou chasser les nuisibles. De nos jours, en revanche, il est fréquent d’élever ces bêtes comme animaux de compagnie ; de sorte que les chiens et les chats que leurs propriétaires ont l’habitude de soulever, et avec lesquels ils se divertissent au cours de la semaine, ne sont pas mouqtsé. De même, les chiens guides d’aveugles n’ont pas le statut de mouqtsé ; il est donc permis de les déplacer et de les soulever. C’est en ce sens que se sont prononcés le Rav Moché Feinstein (Igrot Moché, Ora‘h ‘Haïm V, 22, 21) et le Rav Chelomo Zalman Auerbach (Choul‘han Chelomo 308, 74). Et si certains décisionnaires demeurent rigoureux à cet égard – puisque le statut de mouqtsé fut institué par les sages du Talmud, et que la logique sous-tendant l’application de ce statut dans notre cas est convaincante – la halakha suit l’opinion indulgente.
COUPE DE CHEVEUX D’UN ENFANT À ‘HOL HAMO‘ED
Question : est-il permis de faire une ‘halaqé (coupe de cheveux traditionnelle d’un petit garçon parvenu à l’âge de trois ans) à ‘Hol hamo‘ed, de façon que davantage de membres de la famille puissent se joindre à la fête ?
Réponse : c’est permis. En effet, si les sages ont généralement interdit d’aller chez le coiffeur à ‘Hol hamo‘ed, c’est pour que l’on se fît coiffer avant la fête. Mais quand il s’agit d’un petit enfant dont les cheveux sont longs et le gênent, il est permis de lui couper les cheveux. En effet, cet enfant n’est pas encore obligé à l’égard des mitsvot ; il n’a donc pas l’obligation de se préparer à la fête ; dès lors, les sages n’ont point défendu de lui couper les cheveux à ‘Hol hamo‘ed (Choul‘han ‘Aroukh, Ora‘h ‘Haïm 531, 6).
De même, ceux qui ont coutume de fêter la première coupe de cheveux d’un garçon lorsqu’il atteint l’âge de trois ans peuvent fixer cette coupe à ‘Hol hamo‘ed. Quand bien même son anniversaire tombe avant la fête, il est permis de repousser la coupe de cheveux à ‘Hol hamo‘ed afin d’accroître la joie (Gan Hamélekh, Cha‘aré Techouva 531, 7).
Traduction : Jean-David Hamou



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