DONNER SON MA’ASSER À DES ASSOCIATIONS POLITIQUES : QU’EN DIT LA HALAKHA ?

Par le Rav Eliézer Melamed

Question : étant donnée la situation présente, d’urgence nationale, une gêne financière se fait sentir parmi les organisations de droite, qui essaient de contribuer à la souveraineté du peuple juif sur sa terre.

1) Est-il permis de verser une partie de notre dîme numéraire (ma’asser kessafim) à des associations dont le propos est de combattre la culture et les positions progressistes, et de renforcer les valeurs familiales et nationales au sein du grand public ?

2) Est-il permis de verser une partie de notre dîme numéraire à une organisation qui utilise un langage et des notions militaires profanes, mais dont le but est de renforcer la sécurité du pays et la souveraineté du peuple d’Israël sur sa terre ?

3) Même question pour une association dont le but est de promouvoir une vision traditionnelle de la démocratie, de manière à rendre le pouvoir au peuple et à le soustraire aux « élites » progressistes ?

4) Si la chose est en effet possible, la permission consiste-t-elle seulement, dans tous ces cas, à contribuer à ces organisations elles-mêmes, actives en ces domaines, où s’étend-elle à des médias commerciaux (qui vendent des espaces publicitaires), comme le sont les feuilles paraissant le vendredi, les journaux, certaines chaînes de podcasts ou d’influence, qui demandent des dons afin de couvrir leurs dépenses ?

Réponse : il convient d’abord de rappeler que, selon certains décisionnaires, l’argent de la dîme est destiné aux étudiants de Torah ou aux pauvres, et qu’il est interdit de l’affecter aux besoins relatifs aux autres mitsvot, par exemple à la construction d’une synagogue (Maharil, cité par le Rema, Yoré Dé’a 249, 1).

D’autres décisionnaires, en revanche, estiment qu’il est permis d’affecter la dîme à d’autres mitsvot également (Maharam, cité par le Maharchal et le Sifté Cohen 249, 3).

En pratique, on a coutume d’autoriser l’affectation du ma’asser à d’autres mitsvot également, comme la construction d’une synagogue ou le peuplement juif en Erets Israël ; néanmoins, a priori, il faut préférer le donner à des pauvres ou à des étudiants de Torah.

Mais quand le don est attribué à des associations politiques, deux problèmes supplémentaires apparaissent. Le premier est que, lors même que le but est louable – renforcer la sécurité d’Israël –, il existe un risque sérieux que le don vienne en aide à une personnalité déterminée. Par exemple, si l’association ou le média en question soutient le Premier ministre, et combat des personnalités de droite qui ne le soutiennent pas, ou à l’inverse, si cette association ou ce média soutient des personnalités de droite qui consacrent la majorité de leur action à tenter de remplacer le Premier ministre, il est difficile de voir en cela les « nécessités d’une mitsva ». Si, de plus, les personnalités dont il s’agit blâment leurs concurrents d’une manière qui n’est pas loyale, leur attitude est même constitutive d’une faute ; à plus forte raison, lorsqu’il s’agit d’un média qui suit une ligne politique qui, de l’avis de beaucoup, nuit à ses propres idées ou a tendance à attiser d’inutiles controverses.

Le second problème est que, lors même que l’on s’éloigne des polémiques politiciennes portant sur les personnes ou sur les partis, et que l’on défend seulement des idées, il est souvent impossible de savoir si les opinions défendues sont fondamentalement bonnes. Par exemple, certains expliqueront qu’il faut renforcer la conscience sécuritaire au sein de la population, sans relier cela à l’idée de foi (émouna), tandis que d’autres estimeront qu’une telle démarche ne saurait être utile, et pourrait même, dans une certaine mesure, être nuisible ; et vice-versa. De même, il arrive que ceux qui défendent des conceptions conservatrices délaissent des valeurs toraniques, qu’ils considèrent comme libérales à l’excès, ou « de gauche » (par exemple, le devoir d’instaurer une politique sociale, la permission de procéder à l’avortement dans certains cas, le respect de ceux qui ont des tendances homosexuelles, la fraternité à l’égard de Juifs qui ne sont pas pratiquants, ou qui appartiennent aux communautés réformées). Ce faisant, on suscite la polémique envers des positions toraniques importantes.

Face à cela, quand on soutient des institutions qui promeuvent la culture toranique, l’amour du peuple et de la terre d’Israël, et qui n’encouragent pas la polémique, il est clair que le don qu’on lui adresse poursuit un but positif, puisqu’il renforcera les assises de toutes bonnes choses.

Il semble donc qu’il n’y a pas lieu de donner sa dîme numéraire à des organes de presse ou à des associations dont le propos est de renforcer les positions conservatrices. Ce n’est que sur la base d’une connaissance profonde et personnelle, si l’on est certain que l’organe ou l’organisme auquel on voudrait adresser son don œuvre de façon juste et utile au peuplement du pays et à la sûreté d’Israël, qu’il sera permis, à titre personnel, d’y contribuer ainsi.

Traduction : Jean-David Hamou


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