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LA DÉCISION RABBINIQUE QUI FIT OBLIGATION AUX ÉTUDIANTS DE YÉCHIVA DE SERVIR À L’ARMÉE | Revivim | Rav Eliézer Melamed

Mitsva de l’enrôlement pour les étudiants de yéchiva

À l’approche du 14 adar, jour du souvenir de mon maître le Rav Tsvi Yehouda Hacohen Kook – que la mémoire du juste soit bénie –, il y a lieu de rappeler, particulièrement en cette période, que notre maître fut le premier à rédiger un texte halakhique fondamental consacré à la mitsva de servir dans le cadre de Tsahal, l’armée de défense d’Israël – mitsva obligeant également les étudiants de yéchiva.

Ce texte fut écrit à l’initiative du Rav Chear Yachouv Cohen zatsal, rabbin de Haïfa, fils du Rav David Cohen, le Nazir de Jérusalem, qui fut l’un des dirigeants spirituels de la yéchiva Merkaz Harav. On peut dire que le Rav Chear Yachouv fut le premier enfant à avoir le privilège de grandir dans l’environnement de la Torah d’Erets Israël. Grâce à sa foi, à son étude et à ses dons, il pava le chemin de ceux qui lui succédèrent ; en particulier, il expliqua la mitsva du service militaire applicable aux étudiants de yéchiva, et prôna l’association de la yéchiva et de l’armée. Cette alliance se poursuit jusqu’à ce jour, avec la prodigieuse sanctification du nom divin qu’accomplissent tous les étudiants de yéchivot hesder (instituts d’étude toranique dans le cadre desquels les étudiants accomplissent également leur service militaire).

Le Rav Chear Yachouv m’écrivit un jour une lettre, dont voici un passage :

« Je suis personnellement lié à la première tentative de fonder une yéchiva pour étudiants de Torah, dans le cadre de “l’État et de l’armée en formation”, tentative qui conduisit au premier responsum rabbinique faisant obligation aux étudiants de yéchiva de s’enrôler. Cela eut lieu pendant l’hiver 5708 (1947-48 ) à mon initiative, avec le concours de mes camarades de la Hagana, de l’Etzel et du Le’hi, de la yéchiva Merkaz Harav et d’autres yéchivot de Jérusalem. C’était tout de suite après le 29 novembre 1947 [jour où les Nations Unies proposèrent la partition de la Palestine mandataire] et le début des événements sanglants qui précédèrent la guerre d’Indépendance. Cela se passait dans le cadre d’un processus d’enrôlement dans “l’armée en formation” à Jérusalem, aux mois de chvat, adar et nissan 5708 (janvier-avril 1948 ). (…)

« Alors, la halakha n’avait pas encore été tranchée, qui commande aux étudiants de yéchiva de partir au combat dans le cadre d’une mil’hémet mitsva (guerre obligatoire), visant à conquérir la terre d’Israël et à protéger le peuple juif des ennemis qui l’attaquent. Comme on le sait, l’idée même de mêler l’étude de la Torah au combat est ancestrale ; elle date de Josué, fils de Noun, la paix soit sur lui (…) (cf. Sanhédrin 44b ; comparer avec Méguila 3a et Tossephot, passage commençant par Vayalen ; Talmud de Jérusalem, ‘Haguiga chap. 2 ; Tossephot sur Talmud de Babylone, ‘Haguiga 16b, passage commençant par Av ; ‘Erouvin 63, Tossephot, passage commençant par Miyad). Ces sources laissent entendre que, dès l’époque de Josué et de la première conquête d’Erets Israël, les combattants associaient l’étude de la Torah à la guerre obligatoire. À ce qu’il semble, on combattait alors le jour, et l’on étudiait la nuit. C’est la source d’inspiration du roi David – la paix soit sur lui – quand il dit : “Les louanges de Dieu en leur gorge et l’épée à double lame en leur main” (Ps 149, 6). »

Fondation du premier alliage, à partir de la yéchiva Merkaz Harav

Le Rav Chear Yachouv ajoute :

« Afin de former Tsahal, les dirigeants du mouvement sioniste créèrent un Centre de Commandement pour le Service du Peuple. À Jérusalem, celui qui siégeait à sa tête n’était autre que l’éminent Rav Mordekhaï Halévi Frum, un des maîtres de la yéchiva Merkaz Harav, mari de la Rabbanite Tsipora – qu’elle soit distinguée pour une longue vie –, petite-fille du saint Rav Avraham Yits’haq Kook, lumière d’Israël, et fille de notre maître le Rav Shalom Nathan Raanan, directeur de la yéchiva.

« Afin de nous permettre, nous tous, étudiants de la yéchiva, issus des différents mouvements clandestins, la Hagana, l’Etzel, le Le’hi, de combattre ensemble, nous créâmes la Yéchiva Combattante, pour concourir à la défense du Quartier juif de la Vieille ville de Jérusalem. Ce fut le seul endroit où les trois mouvements clandestins se rassemblèrent en un corps combattant unifié, sous le commandement de notre ami Moché Rusnak, membre du mouvement de jeunesse Berit ‘Hachmonaïm et du bataillon Moria de la Hagana, aux côtés de son second, Isser Nathanson, membre de l’Etzel. Grâce à nos efforts, il fut convenu de créer une Yéchiva Combattante pour la défense de la Vieille ville. Une synagogue et un internat furent mis à notre disposition. De même, un emploi du temps quotidien fut convenu avec le commandement du Quartier juif : huit heures de combat sur la position, huit heures de prière et d’étude de la Torah, et huit heures de repas, de repos, de sommeil et autres besoins humains.

Bénédiction du Rav Tsvi Yehouda Kook et du Nazir de Jérusalem

« Pour cette initiative, poursuit le Rav Chear Yachouv, je reçus la bénédiction et l’accord du directeur spirituel de la yéchiva, mon éminent maître le Rav Tsvi Yehouda Hacohen Kook, et bien sûr la bénédiction de mon père et maître, le saint Nazir. Certains directeurs spirituels de yéchivot émirent, il est vrai, des réserves sur cette initiative ; peut-être craignaient-ils que cela ne conduisît à l’annulation de l’accord sur le report du service militaire, encore en usage aujourd’hui. Le directeur spirituel de la yéchiva Merkaz Harav, notre maître le Rav Harlap, garda le silence ; mais des membres de sa famille et certains de ses proches agirent contre cette idée…

« À cette époque, le Quartier juif de la Vieille ville était assiégé. Nous essayâmes d’y pénétrer au sein d’un convoi de l’armée britannique, qui traversait les lignes une ou deux fois par semaine, et au sein duquel se trouvaient des membres du corps médical et de l’intendance chargée des produits vitaux. J’ai pu réussir à entrer dans le Quartier juif et à me joindre au combat pour sa défense. (…) Mes camarades, malheureusement, n’y parvinrent pas, mais ils combattirent dans le cadre de l’armée en formation ; plusieurs d’entre eux tombèrent en saints, au cours d’une rude bataille.

Il me semble que, dans le cadre de l’armée en formation, nous fûmes les premiers soldats à associer la yéchiva à l’activité militaire. (…)
« À vous avec amour, bénédiction et grande affection,
« Rav Chear Yachouv Cohen. »

La demande que fit le Rav Chear Yachouv au Rav Tsvi Yehouda Kook, d’écrire un responsum rabbinique à ce propos

Dans un autre texte, le Rav Chear Yachouv raconte comment le Rav Tsvi Yehouda Kook décida d’écrire à ce sujet une décision halakhique (le passage qui suit est reproduit à la fin du tome 2 du Linetivot Israël, éd. Béthel) :

« En 5708 (1947-48 ), eut lieu un débat sur la participation des étudiants de yéchivot hiérosolymitaines à la campagne pour la défense de la ville assiégée. Nous, étudiant du Merkaz Harav, suivîmes la voie de nos maîtres, Rav Tsvi Yehouda Kook et mon père, le Nazir de Jérusalem. (…) Nous nous présentâmes au Commandement pour le Service du Peuple, l’organe qui posa les bases de Tsahal, armée qui était alors en cours de fondation. Cependant, de nombreux directeurs spirituels de yéchivot ne s’accordèrent pas avec cela. Au sein même de la yéchiva Merkaz Harav, il y avait débat. (Certes, en dehors même des institutions appartenant au courant des yéchivot d’Erets Israël, fondé par le saint Rav Avraham Yits’haq Kook, lumière d’Israël, il y eut des étudiants de yéchiva qui s’engagèrent, par la suite, au sein d’un bataillon spécial, qui construisit des fortifications à Jérusalem, et que dirigeait notre ami le Rav Tuvia Byr. On appelait ce bataillon Gdoud Tuvia. Mais cela eut lieu plus tard, à l’époque où le siège s’était vraiment aggravé.)

« Comme je l’ai dit, je me suis présenté pour servir au sein des unités spéciales. (…) Un jour, j’ai remarqué près de la yéchiva, dans la rue du Rav Kook, une immense affiche intitulée Da’at Torah (« Avis toranique »). Le texte avait pour auteur le Rav Avraham Yits’haq Kook, et se prononçait contre l’enrôlement des étudiants de yéchiva. De rudes paroles y apparaissaient, émanant d’une de ses lettres et s’opposant à ceux qui réquisitionnent des érudits. Il ne convenait pas, selon lui, d’enrôler des gens de Torah à l’armée, et il fallait les en libérer, toutes paroles qui nous étonnèrent fort.

« Je me tenais devant cette affiche et pensai : que fait-on, à présent ? Chaque étudiant de notre yéchiva se conduirait-il de façon contraire, à Dieu ne plaise, à la décision du Rav Kook ? Après avoir lu l’affiche, je descendis la rue du Rav Kook en direction du centre-ville, plongé dans mes pensées et mes hésitations. Soudain, je vis le Rav Tsvi Yehouda Kook, qui remontait la rue, dans ma direction, boitant un peu, comme toujours, et marchant lentement. Quand je fus très près de lui, il put deviner, d’après l’expression de mon visage, dans quel état d’esprit je me trouvais. Il demanda : “Chear Yachouv, que se passe-t-il ? Pourquoi sembles-tu ainsi irrité et pâle ?” Je lui racontai ce qui s’était passé et, quand je désignai l’affiche, il rugit littéralement (ceux-là même qui se rappellent les rugissements de notre maître quand il s’émouvait n’en ont pas entendu de tels). “C’est un faux ! c’est véritablement un faux”, s’écria-t-il d’une voix forte, encore et encore.

« Après qu’il se fut calmé, il m’expliqua : “Ces paroles sont tirées d’une lettre du Rav Kook au Rav Dr Hertz, Grand-rabbin du Royaume-Uni. Elles portent sur l’enrôlement dans l’armée britannique. Des étudiants de yéchiva originaires de Russie et de Pologne s’étaient installés à Londres, en tant que réfugiés de la Première Guerre mondiale ; leurs noms avaient été omis de la liste des séminaristes que le Grand-rabbin d’Angleterre présentait aux autorités (afin qu’ils fussent dispensés du service militaire, ainsi que les prêtres anglicans). C’est à ce propos que le Rav Kook réprimanda son collègue. Cela n’a rien à voir avec la guerre de Jérusalem !”

« À la demande que je lui fis de bien vouloir expliciter sa position par écrit, le Rav Tsvi Yehouda répondit que la ville était assiégée, et qu’aucune imprimerie n’était capable de fonctionner sans carburant, à l’exception d’une imprimerie isolée, qui travaillait au service du Comité d’Urgence. Comme je pris sur moi la question de l’impression, il consentit à écrire sa célèbre brochure, Lémitsvat Haarets – sur l’obligation de l’enrôlement pour la garde du peuple israélite. Le docteur Yits’haq Rephaël s’efforça de faire imprimer la brochure, mais je ne pus la voir personnellement, car je fus appelé au combat pour la défense de la Vieille ville, et fus capturé par la Légion arabe. »

Inquiétude pour le sort du Rav Chear Yachouv

La brochure était encore en cours d’impression quand la Vieille ville tomba aux mains des forces ennemies. On informa le Nazir et le Rav Tsvi Yehouda Kook que l’officier Chear Yachouv avait été grièvement blessé, et que l’on ne savait ce qu’il était devenu. Imaginez un instant ce que durent être leurs sentiments. Ils avaient enseigné qu’il existe une mitsva de servir à l’armée ; ils savaient que le prix risquait d’être très douloureux. Et tandis qu’ils débattaient encore de la mitsva du service militaire avec d’autres rabbins, il apparaissait que le Nazir aurait peut-être à prendre le deuil de son unique fils (il lui restait une fille, épouse du Rav Chelomo Goren), et que le Rav Tsvi Yehouda devrait peut-être pleurer son disciple bien-aimé, lequel, avec leurs encouragements, était parti au combat et n’était pas revenu.

Après quelques mois de tourments, ils apprirent que leur fils et disciple, grièvement blessé, se trouvait en captivité jordanienne. Revenons au récit, tel que l’écrit le Rav Chear Yachouv :

Réception de la brochure

« Quand, blessé et atteint à la jambe, je revins de captivité au bout de huit mois, aux alentours de Hanouka 5709 (décembre 1948 ), mes camarades et moi fûmes transférés, afin de nous rétablir, dans une maison de convalescence, la villa de la famille Aharonson à Zikhron Yaakov, qui avait été affectée aux blessés militaires. Le lendemain matin – il me semble que c’était un jeudi –, à la fin de la prière, je vis par la fenêtre le Rav Tsvi Yehouda Kook grimpant vers la villa pour me rendre visite. Je fus très ému (le voyage de Jérusalem à Zikhron Yaakov était alors long et épuisant). Le Rav Tsvi Yehouda entra dans ma chambre, me serra dans ses bras, m’embrassa et fondit en larmes. Soudain, il sortit de sa poche la brochure contenant son responsum sur la mitsva du service militaire, brochure en tête de laquelle il avait écrit cette dédicace : “À mon ami le Rav Elyahou Yossef Chear Yachouv, affectionné de mon esprit et de mon âme, fils du Rav David Hacohen, le conseiller, l’initiateur exigeant, cette brochure, conservée dès sa parution pour le retour des rachetés de l’Éternel à Jérusalem, avec toute la joie du salut qui remplit l’univers et ce qu’il renferme. Sa libération eut lieu en l’année de l’Encens (5709), Tsvi Yehouda Hacohen Kook.” » [709 est la valeur numérique du mot qetoret, « encens ».]

Mariage en uniforme

Après cela, le Rav Chear Yachouv fut nommé rabbin de l’armée de l’air. À l’approche de son mariage, il fut décidé, sur le conseil de son beau-frère le Rav Goren, qu’il se marierait en uniforme lors d’une cérémonie militaire, afin de montrer combien grande est la mitsva du service national. De nombreux maîtres et rabbins de Jérusalem vinrent aux noces, tant du côté du Nazir, père du marié, que de celui du grand-père de la mariée, le célèbre philanthrope Harry Fischel.

Quelqu’un s’approcha du Rav Tsvi Yehouda, avec cette objection : « À Jérusalem, il est de coutume que le marié vienne sous le dais nuptial coiffé d’un schtreimel, et en habits de fête traditionnels. » Le Rav Tsvi Yehouda répondit : « S’agissant de la sainteté des schtreimels, il y a lieu d’émettre de sérieux doutes ; mais quant à la sainteté des uniformes de Tsahal, aucun doute n’est de mise. Au contraire, “le marié ressemble à un roi”, disent nos sages ; or l’uniforme est un vêtement royal. »

Traduction : Jean-David Hamou


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