ISRAËL, SOURCE DE LA BÉNÉDICTION

ISRAËL, SOURCE DE LA BÉNÉDICTION | Revivim | Rav Eliézer Melamed

Il est interdit à un Juif de recevoir de la tsédaqa (argent donné au titre de la bienfaisance) de la part de non-Juifs. Recevoir une telle tsédaqa est défendu au titre de la profanation du nom divin ; afin que les peuples ne disent pas : « Combien les Juifs sont abaissés, et combien abaissée leur religion ! Ils ne sustentent pas leurs propres pauvres, et ce sont des gens d’autres peuples qui doivent les sustenter ! » (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 254, 1 ; Sifté Cohen, Touré Zahav et Levouch 1).

Certes, il est permis de recevoir des dons destinés à la synagogue ou aux autres besoins communautaires ; en effet, les recevoir n’exprime nulle nécessité humiliante. Mais accepter une tsédaqa causerait la profanation du nom divin, car la destinée d’Israël est d’être la lumière des nations, et de dispenser à tous les peuples bienfaits et bénédiction. Lorsque les Juifs ont besoin de l’aide d’étrangers, ils s’abaissent donc et trahissent leur rôle. Nos sages enseignent ainsi : « Depuis que ceux qui reçoivent la tsédaqa des païens sont devenus nombreux, Israël a le dessous, les étrangers ont pris le dessus, Israël est en retrait, les étrangers sont en tête (Sota 47b ; dans la Guémara, cet enseignement est délivré par antiphrase).

Recevoir de la tsédaqa de non-Juifs retarde la Délivrance

Les sages enseignent encore que, lorsque les Israélites reçoivent de la tsédaqa de non-Juifs, ceux-ci s’enorgueillissent à leurs dépens, les méprisent, et s’obstinent à poursuivre leur politique d’asservissement d’Israël (Baba Batra 10b). Aussi, les Juifs qui acceptent une telle tsédaqa contribuent à la poursuite de l’exil, et retardent la Délivrance, comme il est dit : « Quand sa moisson s’assèchera et sera brisée, des femmes viendront y mettre le feu. Certes, ce n’est pas un peuple de discernement ; aussi, son Auteur ne l’aura point en miséricorde, et son Créateur ne le prendra pas en grâce » (Is 27, 11). Suivant la lecture midrachique : quand les mérites des peuples, qui asservissent Israël, se dessécheront et disparaîtront, ils seront comme paille sèche, qui se casse aisément et prend feu, et Israël sera délivré de leur joug. Mais quand Israël se conduit sans discernement et reçoit la tsédaqa de peuples étrangers, le crédit de ces peuples s’accroît, de sorte qu’ils continuent d’asservir Israël ; alors, l’Éternel ne prend pas les Israélites en miséricorde afin de les délivrer.

Les sages disent encore que celui qui, enfreignant l’interdit, reçoit publiquement la tsédaqa d’un non-Juif, ne peut valablement témoigner en justice (Sanhédrin 26b) : puisque, par désir d’argent, il a commis une faute ayant pour effet de profaner le nom divin, il faut craindre qu’il ne mente en sa déposition, dans le dessein de recevoir un présent corrupteur (Rachi). De plus, dès lors qu’il a accepté de dégrader son honneur en recevant publiquement une tsédaqa d’un non-Juif, il est à craindre qu’il n’accepte de se déshonorer par un témoignage mensonger (Maïmonide, ‘Edout 11, 5).

Quand c’est faute de choix, il est permis de recevoir une tsédaqa de non-Juifs

L’interdit de recevoir la tsédaqa de non-Juifs vaut pour autant que le Juif pauvre puisse, quoique avec difficulté, subsister sans cela. Mais s’il ne peut subsister sans cela, il lui est permis de recevoir, discrètement, cette aide émanant de non-Juifs. Quand ceux-ci ne la lui donnent pas discrètement, et qu’il ne se trouve pas de Juifs qui puissent le sustenter, il lui est permis de recevoir cette tsédaqa publiquement, sans être pour autant privé du droit de témoigner en justice ; car c’est sous la contrainte que ce pauvre est réduit à cela (Maïmonide, ibid. et Matnot ‘aniyim 8, 9 ; Choul’han ‘Aroukh 254, 1 ; Richon Letsion ; ‘Aroukh Hachoul’han).

Les opinions indulgentes et la halakha

Certains décisionnaires sont indulgents à l’égard des particuliers pauvres, et les autorisent à recevoir la tsédaqa de non-Juifs de façon discrète. Selon eux, l’interdit ne s’adresse qu’aux administrateurs des caisses de bienfaisance (Dericha). D’autres auteurs autorisent cela lorsque le non-Juif ne destine pas exclusivement son aide à des Juifs, mais qu’il aide aussi bien des Juifs que des non-Juifs, car alors, ce ne lui est pas un si grand mérite (Touré Zahav). On peut encore soutenir que l’interdit de recevoir une telle tsédaqa, fût-ce dans la discrétion, vise seulement le cas où le donateur est un ministre, un prince, non un particulier (Rabbi ‘Haïm Falagi).

Mais en pratique, tant que les pauvres d’Israël peuvent subsister, quoique difficilement, sans l’aumône des non-Juifs, il n’y a pas lieu d’accepter celle-ci, même dans la discrétion. En effet, chaque tsédaqa que l’on reçoit de non-Juifs est cause de profanation du nom divin et de honte, parce que les frères juifs des pauvres en question ne garantissent pas leur subsistance, et que c’est à des non-Juifs de les sustenter. Par cela, nous continuons à dépendre de peuples étrangers, et le joug de l’exil persiste sur notre nuque (Richon Letsion sur Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 254, 2 ; Beit Hillel 1 ; ‘Aroukh Hachoul’han 1).

Tsédaqa émanant de non-Juifs justes

Il est permis de recevoir de la tsédaqa d’un non-Juif convenable, qui observe les sept commandements noachides. En une autre occasion, nous préciserons qui mérite le titre de « non-Juif convenable », et expliquerons que cela même n’est permis qu’a posteriori.

L’interdit de recevoir la tsédaqa de ministres et d’États

Il est interdit à des Juifs de recevoir la tsédaqa de ministres ou d’États : si le seul fait de recevoir une telle aide de particuliers a pour effet d’abaisser l’honneur d’Israël et de prolonger l’exil, à bien plus forte raison est-ce vrai quand les donateurs sont des princes ou des pays. Il n’est permis d’accepter cette contribution, au titre de la « paix du royaume », que lorsque son refus risque de mettre des Juifs en danger. Le Talmud raconte ainsi : Ifra Hormiz, mère de Chabour, roi de Perse, avait envoyé quatre cents dinars à Rabbi Ami, afin qu’il les distribuât aux pauvres. Bien qu’Ifra Hormiz fût connue, personnellement, pour être une personne juste, Rabbi Ami refusa de recevoir ce don, parce qu’elle était la mère d’un roi qui asservissait Israël.

Ifra Hormiz adressa alors les quatre cents dinars à Rava, qui les accepta. On rapporta cela à Rabbi Ami, qui fut contrarié de l’attitude de Rava, et objecta : « Comment s’est-il autorisé à sustenter les pauvres d’Israël au moyen de la tsédaqa de non-Juifs, et n’a-t-il pas craint de prolonger par cela l’exil ? Il est dit en effet : “Quand sa moisson s’assèchera et sera brisée, des femmes viendront y mettre le feu, etc.” (Is 27, 11, cité ci-dessus) » (Baba Batra 10b).

Mais la Guémara rapporte que Rava n’accepta cette contribution qu’au titre de la « paix du royaume » : s’il l’avait refusée, les Israélites eussent risqué d’endurer la rancune des autorités. Par la suite, sans qu’Ifra Hormiz ne le sût, Rava distribua cette tsédaqa aux païens pauvres. Cela ne constituait pas une tromperie à l’égard d’Ifra Hormiz, car il est notoire qu’Israël sustente des pauvres d’autres peuples avec les siens propres (Guitin 61a ; Rachi sur Baba Batra 11a, passage commençant par Delo). Quant à l’homme qui avait rapporté à Rabbi Ami que Rava avait reçu l’argent d’Ifra Hormiz, sans préciser qu’il avait eu soin de le distribuer aux païens pauvres, il commit en cela la faute de médisance (lachon hara’). Peut-être ne commit-il cette faute qu’involontairement : puisque c’est secrètement que Rava avait donné cet argent aux pauvres non juifs, afin que la cour ne l’apprît point, cet homme pensa peut-être que Rava avait distribué l’argent aux pauvres juifs.

Cependant, en une autre circonstance, Ifra Hormiz envoya une forte somme de tsédaqa à Rav Yossef, en lui demandant explicitement d’accomplir, avec cet argent, une « grande mitsva ». Dans ces conditions, si Rav Yossef avait destiné la tsédaqa aux besoins de non-Juifs – ce qui n’eût pas été une si « grande mitsva » – il eût transgressé l’interdit de tromperie (‘Houlin 94a). Par conséquent, Rav Yossef se servit de cet argent pour racheter des captifs juifs, ce qui est une mitsva suprême (Baba Batra 8a ; Tossephot, passage commençant par Yetiv).

Le problème qu’il y a à recevoir l’aide financière des États-Unis

De nos jours, il y a lieu de craindre que l’aide financière que l’État d’Israël reçoit des États-Unis d’Amérique n’entre dans le champ de l’interdit. Il y a en effet une certaine profanation du nom divin dans le fait qu’Israël a besoin d’aide et ne fait pas face, de ses propres forces, aux défis qu’il affronte. Et si le fait de recevoir la tsédaqa d’un simple particulier cause une profanation du nom divin, cela est vrai, à bien plus forte raison, lorsque Israël reçoit l’aide d’un État étranger. De plus, à cause de cette aide financière, Israël est contraint de subir des dictats des États-Unis et d’autres pays, ce qui porte atteinte à l’application de la mitsva de peupler et d’édifier la terre d’Israël, et gêne la capacité du pays à soumettre ses ennemis. Par cela, le joug de l’exil se prolonge, dans une certaine mesure, et pèse sur notre nuque.

Certains auteurs, il est vrai, soutiennent que, puisque de nombreux Juifs vivent aux États-Unis, l’aide qui provient de ce pays ne doit pas être considérée comme une aide étrangère, mais comme l’aide d’une caisse commune. Mais en pratique, puisqu’il s’agit d’un grand pays dont les intérêts sont évidents, et que seuls deux pour cent des citoyens américains sont juifs, cette aide financière ne peut se définir comme celle d’une caisse communément administrée par des non-Juifs et par des Juifs.

Tsédaqa ou association

On ne saurait non plus prétendre que, puisque l’aide n’est pas destinée aux pauvres d’Israël, elle doit être considérée comme un cadeau et non comme une tsédaqa. En effet, un cadeau est offert à une personne qui se suffit à elle-même et n’a point besoin d’aide, l’octroi du cadeau étant destiné à exprimer le lien qui unit le donateur et le destinataire, et à réjouir ce dernier. On parle en revanche de tsédaqa lorsque le destinataire a du mal à se débrouiller par lui-même et a besoin d’assistance ; peu importe qu’il acquière, grâce à cette aide, de la nourriture, des meubles ou des équipements de sécurité.

Certains soutiennent que les sommes versées au titre de cette aide sont en réalité investies en Israël par les États-Unis, afin qu’Israël préserve les intérêts américains au Moyen-Orient, et aide les Américains à développer de nouvelles technologies militaires. Certes, si l’aide financière américaine s’inscrivait dans le cadre d’une collaboration honorable, dans laquelle les deux parties sont intéressées à égalité, cela ne devrait pas être vu comme une tsédaqa. Mais pour cela, il faudrait annuler les fonds d’aide annuels, et, pour toute collaboration, s’accorder spécialement sur ce que chaque partie investit, comme il est d’usage entre associés.

La grande question

D’autres prétendent que, sans cette aide, l’État d’Israël aurait du mal à tenir, dans la guerre qui l’oppose à ses ennemis, et que, en raison de cette pression, il est permis de la recevoir. Les dirigeants israéliens doivent effectivement examiner cet argument avec sérieux, tout en ayant constamment à l’esprit la grande nécessité qu’il y a à tenter de s’affranchir de la tsédaqa étrangère. En effet, le fait même de recevoir cette aide est constitutif d’une profanation du nom divin, qui conduit l’État d’Israël à être assujetti aux intérêts de pays étrangers, et l’empêche de réaliser ses aspirations en toute indépendance.

Situation d’Israël il y a cinquante ans et aujourd’hui

Quand Israël était pauvre et avait besoin d’aide (à la fin de la Guerre d’usure en 5731 / 1971), le Rav Mordekhaï Frum – que la mémoire du juste soit béni –, enseignant à la yéchiva Merkaz Harav, écrivit qu’il était permis de recevoir de l’aide de pays étrangers, car Israël est un État indépendant, et le peuple juif n’est plus en exil, si bien qu’il n’est pas à craindre que l’on prolonge l’exil en recevant de la tsédaqa. De plus, disait-il, il faut permettre cela parce que nous sommes entourés de nombreux ennemis, et qu’il s’agit donc de se porter au secours de la collectivité (fascicule Zekhor le-Ya’aqov). En l’an 5750 / 1990, dans la revue Tchumin, le Rav Ben Zion Krieger hésitait à dire s’il y avait encore à cela une nécessité, de sorte que la chose ne serait pas condamnable.

Cependant, entre-temps, la situation d’Israël a beaucoup changé. En 5750 / 1990, le produit intérieur brut d’Israël était de 61 milliards de dollars, et l’aide américaine, qui atteignait 3 milliards de dollars, représentait 5 pour cent du PIB. En 5783 / 2023, le PIB israélien est de 488 milliards de dollars par an, et l’aide américain annuelle est de 3,8 milliards de dollars, qui représentent donc 0,8 pour cent.

De plus, de l’avis de plusieurs économistes, Israël perd de l’argent en conséquence de l’aide américaine. En effet, l’octroi de cette subvention est conditionné à de sévères restrictions relatives à l’industrie de l’armement, ainsi qu’à des accords importants avec différents pays, dans le domaine de la sécurité.

Il convient donc que ceux qui prennent les décisions envisagent sérieusement la possibilité de renoncer à cette aide financière, afin de renforcer notre indépendance, de consolider nos réalisations dans les domaines économiques, sécuritaires et sociaux, et d’accomplir notre destinée : être source de bénédiction pour toutes les nations du monde.

Traduction : Jean-David Hamou


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