EFFACER LE SOUVENIR D’AMALEQ : MESSAGE DE LA MITSVA, EN NOTRE GÉNÉRATION

EFFACER LE SOUVENIR D’AMALEQ : MESSAGE DE LA MITSVA, EN NOTRE GÉNÉRATION | Revivim | Rav Eliézer Melamed

  • 1) Quel est le sens de la mitsva toranique d’effacer toute trace d’Amaleq, hommes, femmes et enfants ? N’est-ce pas de la cruauté ?
  • 2) La mitsva impose-t-elle de tuer aussi un bébé abandonné, dont on apprend qu’il est de la descendance d’Amaleq ?
  • 3) S’il apparaissait aujourd’hui, de manière certaine, que tel homme, appartenant à tel peuple, descend en réalité d’Amaleq, serait-il obligatoire de le tuer, bien qu’il ne se considère en rien comme amalécite ?
  • 4) À présent que le peuple d’Amaleq n’existe plus et qu’il n’y a plus trace de son souvenir, pourquoi nous est-il encore prescrit de lire la paracha d’Amaleq (Dt 25, 17-19), chaque année au cours du Chabbat Zakhor ?

1) Sens de la mitsva d’effacer la trace d’Amaleq

Amaleq fut l’ennemi le plus amer d’Israël et de l’humanité. Ce peuple ne se livrait pas à l’agriculture ni à l’industrie, mais entraînait sa jeunesse à attaquer par surprise des villages et des caravanes, à tuer ceux qui croisaient leur chemin, à piller leurs biens, à vendre les hommes restants comme esclaves, ainsi que les femmes et les enfants. Il était difficile de les combattre, car ils n’avaient pas de lieu de résidence fixe. Ils erraient dans les déserts, et au bout de quelques mois, attaquaient un village, assassinaient, pillaient et vendaient les captifs sur le marché de l’esclavage.

Il était impossible de prévoir quand ils attaqueraient : ils vagabondaient sur des centaines de kilomètres, et toutes les localités qui jouxtaient le désert étaient menacées. Pour se protéger contre eux, il eût fallu lever une importante force de garde dans toutes les localités voisines du désert ; et puisque cela n’était guère réalisable, les Amalécites réussissaient à tuer et à piller lors de leurs attaques, au point que la majorité de ceux qui habitaient aux portes du désert finissaient par se rassembler dans des régions denses. Ainsi, de très vastes territoires, qui auraient pu fournir de la nourriture à un peuple nombreux, demeuraient désolés, de crainte des razzias d’Amaleq.

Lors de la sortie d’Égypte, comme les enfants d’Israël étaient fatigués, exténués, les Amalécites commencèrent leur attaque. Au lieu de considérer la grandeur du miracle dont Israël avait bénéficié, ou de prendre en miséricorde ces esclaves qui accédaient en ce moment même à la liberté, ils virent là une occasion de piller, de capturer des gens et de les vendre, et s’en prirent d’abord aux plus faibles, qui traînaient à l’arrière du camp.

Même après que Josué, mandaté par Moïse notre maître, les eut combattus et repoussés, il demeurait certain que ce combat ne serait pas le dernier : puisque les Amalécites rôdaient aux alentours de la frontière d’Erets Israël, chaque fois qu’ils voyaient des signes de faiblesse, ils attaquaient, tuaient, pillaient, capturaient.

Les trois mitsvot liées à l’effacement d’Amaleq

Pour ces raisons, trois commandements nous ont été prescrits, relativement à Amaleq. a) Commandement de faire : nous souvenir de ce que nous fit Amaleq. b) Commandement de ne pas faire : l’interdit d’oublier ce que nous fit Amaleq. c) Commandement de faire : effacer la descendance d’Amaleq de dessus la terre (Dt 25, 17-19).

Afin d’anéantir Amaleq, il était nécessaire de lever une grande armée, capable d’encercler toute la région d’activité de ces hommes, de les trouver, de barrer les voies de fuite, puis d’en venir au combat face à face et de les battre. À cette fin, le peuple d’Israël devait s’implanter solidement dans le pays, et mobiliser des forces importantes pendant une longue période pour les besoins de la guerre. Il devait aussi mobiliser des forces supplémentaires afin de protéger l’arrière, pendant tout le déroulement d’une opération militaire longue et de grande envergure. Les sages enseignent à ce propos : « Les enfants d’Israël ont reçu l’ordre d’accomplir trois mitsvot à leur entrée dans le pays : a) nommer un roi ; b) anéantir la descendance d’Amaleq ; c) construire le sanctuaire » (Sanhédrin 20b). Notons que c’est seulement après avoir mené la guerre contre Amaleq que l’on peut accomplir la troisième mitsva, construire le sanctuaire.

La logique morale que recèle la mitsva

On peut ainsi comprendre la logique morale que renferme la mitsva : il convient d’appliquer à Amaleq ce que ce peuple fit endurer à toutes les villes qu’il livra au pillage. Certes, généralement, les Amalécites ne tuaient pas tous les habitants des localités qu’ils conquéraient ; mais c’est qu’ils espéraient gagner de l’argent en vendant les captifs comme esclaves. Quand ils ne trouvaient pas d’acheteurs, ils tuaient les captifs.

Cette capacité est également indispensable à la création d’une dissuasion. Quiconque fait des concessions à ses ennemis, s’abstient d’exercer sur eux la vengeance que leur perversité appelle, encourage lesdits ennemis à poursuivre le combat. Les grands empires punissaient sévèrement ceux qui bravaient leur autorité ; par cela, ils créaient une dissuasion qui garantissait la pérennité de leur règne pendant des siècles.

Amaleq, racine du mal dans le monde

Sur un plan plus profond, Amaleq incarne la racine du mal en ce monde. De la sortie d’Égypte à ce jour, les plus grands pervers se dressent tout particulièrement contre le peuple juif. La volonté des pervers de condamner et de combattre le peuple d’Israël est à la mesure de la vocation d’Israël dans la rédemption du monde. C’est pourquoi l’anéantissement d’Amaleq est l’anéantissement même de la racine du mal en ce monde.

Les Amalécites peuvent se repentir

Quoique la Torah nous ait ordonné d’anéantir la descendance d’Amaleq, tout Amalécite qui décide d’observer les sept commandements noachides se soustrait à son statut natal. Certains auteurs disent même que l’on accueille les prosélytes originaires de ce peuple (Maïmonide, Unions interdites 12, 17), conformément à ce que l’on peut inférer du récit de nos sages, d’après quoi des descendants de Haman se convertirent et étudièrent la Torah à Bnei Brak. D’autres auteurs, tout en estimant que l’on n’accueille point de prosélytes parmi les Amalécites, reconnaissent que, si quelqu’un d’entre eux est devenu membre d’un autre peuple, et dès lors que son origine a été oubliée, on peut le convertir (‘Hida ; cf. Pniné Halakha, Zemanim – Fêtes et Solennités juives I 14, 8, note 10).

Bien plus, la Torah nous ordonne, avant que nous ne partions en guerre contre les Amalécites, de leur proposer une paix les obligeant au respect des sept commandements noachides et à la reconnaissance de la souveraineté d’Israël. S’ils acceptent, on ne les combat pas ; s’ils refusent, on les combat jusqu’à la destruction (Maïmonide, Rois 6, 1-2 ; Kessef Michné ad loc.). Nous voyons donc que, idéalement, la mitsva d’effacer la présence d’Amaleq s’accomplit par leur propre repentir. S’ils s’y refusent, il existe encore une façon qui, elle aussi, vaut a priori : la guerre. En pratique, la mitsva s’est accomplie sur un mode a posteriori : au fil des années, les descendants d’Amaleq se sont disséminés et assimilés parmi les peuples, de sorte que leur origine fut oubliée. Ils échappèrent ainsi, sans s’être repentis, au statut d’Amalécite.

2) La mitsva est-elle applicable à un bébé abandonné ?

Sur ces considérations, nous passons à la seconde question. En temps de guerre, la mitsva consistait certes à ne point laisser âme qui vive parmi ce peuple, comme la morale y obligeait, suivant le principe « mesure pour mesure », et afin de créer une efficace dissuasion, ainsi que le droit des peuples l’admettait jadis. Mais en dehors de la guerre, si l’on trouvait un bébé abandonné d’ascendance amalécite, on ne le tuait certes pas, puisqu’on pouvait l’instruire à la pratique des sept commandements noachides.

3) S’il apparaît que telle personne est amalécite, alors qu’elle s’identifie à quelque autre peuple

Comme nous l’avons vu, si un Amalécite accepte la législation noachide, il se soustrait à son statut natal. Il apparaît donc que, s’il renie son origine et devient membre d’un autre peuple, le statut d’Amalécite ne lui est plus applicable non plus ; à plus forte raison sera-ce vrai quand son origine a été oubliée, et qu’il s’identifie depuis sa naissance à quelque autre peuple. En d’autres termes, le statut d’Amalécite s’applique à celui qui, nationalement et moralement, se considère comme tel, non à celui dont c’est seulement l’origine ethnique ou biologique.

Sens de ces règles, de nos jours

Suivant la tradition de nos maîtres, Amaleq a disparu de dessus la terre, si bien qu’il n’y a plus, aujourd’hui, de peuple ni d’individu auquel s’appliquerait le statut d’Amalécite. Mais demeure la mitsva de se souvenir, et de ne point oublier cette ancienne obligation, en raison de l’idée morale qu’elle renferme.

Il se peut que cette mitsva soit particulièrement importante pour les Juifs, parce que ceux-ci, naturellement, sont miséricordieux et bienfaisants. De nombreuses mitsvot de la Torah nous éduquent en ce sens, au point que, par nature, nous serions enclins à pardonner à Amaleq, tant qu’il s’engage à ne point nous attaquer. C’est pourquoi la Torah nous ordonne de nous souvenir des actes d’Amaleq et d’en effacer la présence. De cette façon, nous nous souvenons que le mal existe en ce monde, et que, lorsqu’il est nécessaire de combattre, il faut le faire sans concession, jusqu’à la victoire entière, ainsi qu’il est admis à toute époque. C’est seulement ainsi que l’on peut amender le monde.

Parce que nous avons oublié Amaleq, une « conception » erronée a perduré

Cette année, nous en avons reçu le douloureux rappel. Nos ennemis proclament constamment qu’ils veulent nous exterminer de la façon la plus cruelle ; mais en dépit de tout, un très grand nombre d’entre nous n’ont pas intégré cela. C’est ainsi que nous nous sommes prêtés aux accords d’Oslo, nous sommes retirés du Gouch Katif, avons passé des accords d’échange de meurtriers contre des otages, accords dont le plus funeste consista à libérer mille vingt-sept terroristes contre le seul Guilad Shalit. Si nous avions compris qu’il s’agit d’ennemis animés d’une véritable volonté de détruire l’État d’Israël, nous aurions œuvré à une victoire complète, grâce à laquelle l’ennemi se fût rendu sans condition. C’est seulement après cela que l’on commence à discuter du « jour d’après ». Tant que nous ne comprenons pas cela, nombreux sont ceux qui s’imaginent que l’on peut trouver de rassurants compromis.

Certes, la guerre doit s’accomplir conformément aux lois internationales (ainsi que nous le disions dans un précédent article) ; mais les lois internationales n’interdisent pas une victoire entière : elles interdisent de porter un préjudice non nécessaire à ceux qui ne sont pas partie au conflit.

Espérons que, grâce à l’accomplissement de la mitsva de Zakhor (« Souviens-toi de ce que te fit Amaleq… »), nous frapperons désormais nos ennemis chaque fois que cela sera possible, même si des membres de leur famille, présents à leurs côtés, doivent en pâtir, ainsi que le droit international l’admet. Si nous avions pris cette voie, il apparaît que, non seulement nous aurions été victorieux, mais que de nombreux « non-belligérants » auraient été épargnés.

Espérons que, grâce à l’accomplissement de cette mitsva du souvenir, nous puissions revenir au principe halakhique en vertu duquel on ne rachète pas un captif pour « plus que sa valeur » : une personne pour une personne. Si nous en avions usé ainsi, la plupart des épreuves qu’endurent les familles d’otages eussent été évitées. Si nous ne gardons pas cela à l’esprit, il est fort à craindre que les familles endeuillées, ou dont un membre est otage, ne soient – à Dieu ne plaise – plus nombreuses à l’avenir.

Espérons que, grâce à la mitsva du souvenir, nous pourrons nous renforcer dans la poursuite de la guerre jusqu’à l’entière victoire sur nos ennemis, victoire après laquelle il n’y aura plus d’entité cherchant à détruire Israël, qu’on l’appelle Hamas ou Autorité Palestinienne.

Peut-on se réjouir à Pourim, cette année ?

Même les endeuillés doivent se réjouir à Pourim. À plus forte raison le peuple d’Israël le doit-il. Du sein de la joie, avec l’aide de Dieu, nous nous renforcerons de manière à vaincre nos ennemis. Toutefois, il est juste de renoncer aux festivités débridées, qui ne sont point constitutives d’une mitsva.

L’endeuillé pendant les trente premiers jours suivant la perte d’un proche parent, ou dans les douze mois suivant la perte de son père ou de sa mère

On a coutume, le jour de Pourim, de ne pas envoyer de cadeau alimentaire (michloa’h manot) à l’endeuillé. Lui, en revanche, a l’obligation d’adresser un cadeau alimentaire à un ami, même pendant les sept premiers jours de deuil (Choul’han ‘Aroukh et Rema 696, 6). En un endroit où il n’est pas d’usage de dire bonjour (chalom) à l’endeuillé, on ne lui adresse pas non plus de michloa’h manot pendant la durée de son deuil (Rema 696, 6 ; Michna Beroura 20-21). Quand l’un des époux est en deuil, son conjoint peut lui adresser un michloa’h manot.

C’est pour l’endeuillé une mitsva que de participer aux repas de Pourim, comme il en a l’habitude chaque année ; cela inclut le fait d’entendre de la musique, ainsi qu’il est ordinairement admis. En revanche, il est préférable que l’endeuillé ne participe pas à de grandes fêtes organisées le soir de Pourim, accompagnées d’instruments de musique ; en effet, ces soirées ne sont en rien obligatoires au titre de la mitsva. Mais si l’endeuillé a l’habitude d’y prendre part à Pourim, et souhaite y prendre part également le soir de Pourim ayant lieu lors de son année de deuil, il y est autorisé.

Traduction : Jean-David Hamou


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